_ Un mot de conclusion avant que nous nous quittions ?
_ Oui, merci Terence. Je tenais à dire à tous ceux qui nous regardent que la vie ici-bas n’est qu’une étape vers quelque-chose de plus grand et de plus beau. Dans mon livre, je dévoile certaines des conversations que j’ai eu le privilège d’avoir avec quelques-uns de ceux qui nous ont précédé dans l’autre monde. Leur message pour nous est limpide : profitons de cette existence ; jouissons de chacun de ses instants ; amusons nous, aimons nous, ne freinons ni nos pulsions, ni nos instincts ; goûtons aux plaisirs matériels que nous offrent Héliogabale et Pandémonium ; étourdissons nous de divertissements ; consommons ; vivons notre existence terrestre à 100%. Car c’est la somme de toutes ces expériences matérielles et de tous ces plaisirs qui détermineront les contours de notre vie dans l’éternité.
_ C’est très beau ; merci pour ces paroles pleines de positivité et de bon sens! J’avais donc le plaisir de recevoir ce soir Archibald Eliphas Vaughan pour son dernier livre « Ils m’ont parlé, je les ai écoutés » disponible en téléchargement au prix de 19.99 biodollars aux éditions numériques du Drome. Je vous retrouve demain, même heure, même channel pour un nouveau numéro de « Hard Talk ».
Un dernier sourire immaculé à la caméra rétinienne et le générique de fin d’émission résonna dans le studio. Terence Bricks enleva son oreillette, s’assura que son brushing demeurait impeccable, s’extirpa de son tabouret au design futuriste et tendit une main molle et humide à Archibald.
_ Merci beaucoup Mr. Vaughan. Nous avons fait une très belle émission.
Il empestait un mélange écœurant de spray à la menthe et de laque à cheveux. Archi posa sur lui un regard qu’il s’efforça de garder sympathique.
_ Tout le plaisir fut pour moi cher Terrence. Pourrez-vous communiquer les chiffres d’audience à mon bureau ?
Il ne laissa pas le temps à son interlocuteur de lui répondre et après une dernière poignée de main, il se dirigea vers la loge mise à sa disposition. Les imbéciles, s’amusa t-il intérieurement. Qu’il s’agisse de la masse décérébrée au SMILE ou de l’oligarchie, ils étaient aussi faciles de tromper les uns que les autres. A chacun le bon discours : aux prolétaires un encouragement à s’abîmer un peu plus dans la consommation et un espoir en un au-delà qui ressemblait à un parc d’attraction ; à l’élite, le frisson de la gnose, l’impression de toucher le monde des esprits par les secrets qu’Archi possédait, le sentiment d’accéder à un savoir interdit et caché, d'être membre d'une caste d'initié. Tout à ses pensées et anticipant déjà les bénéfices qu’il tirerait de son dernier livre, Archibald passa sa langue sur ses lèvres avec gourmandise.