Je ne sais si c’est le fait d’avoir rencontré mon père ou d’avoir trouvé un semblant de réponse à mon existence mais mon cœur est plus serein. Cette sensation d’avoir la respiration coupée et la poitrine enfoncée quand je faisais le constat de ma vie a enfin disparue. Mais une chose en remplace forcement une autre et c’est le sommeil qui ma quitté. J’ai beau tourner et retourner les draps, rester dessous ou en sortir, la déesse des rêves ne daigne m’étreindre et il n’y a qu’un silence anormal qui m’accompagne dans cette chambre immense et luxueuse du château Corwin. L’horloge est étrangement atone, son cliquetis aphone et lorsque vient minuit le carillon ne carillonne pas ses douze coups mais un épais brouillard se lève dans la pièce. Qu’est ce donc que ce maléfice ? Il me semblait que la demeure du prince était devenue neutre et qu’aucune action extérieur ne pouvais y être tenté. Faute de pouvoir dormir je décidai de suivre cette fumé s’insinuant dans les couloirs telle un dragon se faufilant dans sa tanière pour finalement sortir dans le jardin et ramasser un livre a couverture noir dont ce nuage s’échappait. Humm. Somme toute un livre simple, épais comme il faut, en cuir bleu et reluire noire comble d’un gout plus que douteux, orné sur sa couverture d’un emblème métallique représentant un serpent noir aux écailles soulignée de vert et aux yeux rouges. Bref je ramenai ce dernier dans ma chambré et entrepris de le parcourir quand il s’ouvra de lui-même m’éblouissant d’une lueur cobalt ou je pouvais y voir se mouvoir une Marelle au tentacule bleu. Mon dieu ! Un Logrus ! Je dégainais ma canne épée pour en pourfendre l’objet démoniaque quand une ombre noire en sortie. Que dis-je, une reine noire apparue.
Seins nues, a la peau entièrement ombré et aux yeux d’un bleu magnifiquement foncé sur fond charbon. Elle se jeta sur moi en un baisé fougueux brulant du plus ardent désir.
A l’éclair violent de ta face divine,
N’étant qu’homme mortel, ta céleste beauté
Me fit goûter la mort, la mort et la ruine
Pour de nouveau venir à l’immortalité.
Ton feu divin brûla mon essence mortelle,
Ton céleste m’éprit et me ravit aux Cieux,
Ton âme était divine et la mienne fut telle :
Déesse, tu me mis au rang des autres dieux.
Ma bouche osa toucher la bouche cramoisie
Pour cueillir, sans la mort, l’immortelle beauté,
J’ai vécu de nectar, j’ai sucé l’ambroisie,
Savourant le plus doux de la divinité.
Aux yeux des Dieux jaloux, remplis de frénésie,
J’ai des autels fumants comme les autres dieux,
Et pour moi, Dieu secret, rougit la jalousie
Quand mon astre inconnu a déguisé les Cieux.
Même un Dieu contrefait, refusé de la bouche,
Venge à coups de marteaux son impuissant courroux,
Tandis que j’ai cueilli le baiser et la couche
Et le cinquième fruit du nectar le plus doux.
Ces humains aveuglés envieux me font guerre,
Dressant contre le ciel l’échelle, ils ont monté,
Mais de mon paradis je méprise leur terre
Et le ciel ne m’est rien au prix de ta beauté.
Théodore Agrippa d’Aubigné, Stances
L’émoi passé et la raison revenue au milieu des meubles cassés, du lit éventré et de la pièce saccagé par nos violents ébats elle sanglota sur mon épaule en des larmes pétrolières et cette phrase : « Sauve moi, sauve nous ! » . A ces mots le livre s’ouvrit de nouveau et en un claquement de doigt un long arpon accroché a une chaine empala la belle au niveau du ventre pour la tirer a une vitesse fulgurente dans le logrus. Le livre se referma et brûla d’un bleu incandescent pour n’en laisser que des cendres balayées par le vent se faufilant entre les carreaux brisés de la fenêtre. Ne restai que moi, taché de larmes noires et maculé d’un sang tout aussi sombre.
Toujours pas sommeil.