Epiphanie

forum de la communauté des joueurs du jdra epiphanie
 
AccueilDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion
-28%
Le deal à ne pas rater :
Précommande : Smartphone Google Pixel 8a 5G Double Sim 128Go ...
389 € 539 €
Voir le deal

 

 4 modalités de la contestation

Aller en bas 
AuteurMessage
Admin
Admin
Admin


Messages : 1644
Date d'inscription : 13/09/2008
Age : 51
Localisation : Proxima du centaure

4 modalités de la contestation Empty
MessageSujet: 4 modalités de la contestation   4 modalités de la contestation Icon_minitimeJeu 4 Juin - 14:42

Contestation



Voici un petit texte philosophique sur les 4 modalités de la contestation politique : révolution, révolte, réforme et conversion. Cette réflexion sans prétention doit beaucoup au sociologique Jacques Ellul. Je ne prétends pas non plus à l’originalité.
Nous vivons une époque troublée, contestée ou les pouvoirs en place qu’ils soient politiques, économiques, médiatiques techniques ou religieux sont souvent remis en cause par les populations sur lesquels ils s’exercent. Le consentement disparaît, le pouvoir et ses relais institutionnels se rigidifient et la tension sociale est à son comble.

Quelles peuvent – être les formes de la contestation ?
Il me semble en percevoir 4 fondamentales que nous allons détailler :

La révolution :

Cette modalité de la contestation est populaire parmi les courants d’extrême gauche ou néo communistes.
Le modèle est celui de la révolution Française qui abolit les privilèges pour instaurer le pouvoir du peuple et les droits de l’Homme. Il est possible, dans le sillage de l’historien Henri Guillemin de contester ce tableau idyllique : la révolution Française a certes aboli l’ancien pouvoir résultant de l’alliance du clergé et de la noblesse, mais cela n’a été nullement pour le transférer au peuple, mais bien à la bourgeoisie. Le pouvoir aurait simplement glissé de l’ancienne élite (le trône et l’autel) à la nouvelle (l’aristocratie du denier), mais le peuple est resté spolié en grande partie du pouvoir conquis. Nous sommes passés, selon les catégories d’Aristote d’une monarchie (ou tyrannie quand le roi était mauvais) à une oligarchie marchande, soit une ploutocratie. La démocratie reste purement formelle et reste à conquérir. L’histoire officielle de la révolution française qui chante le triomphe du peuple sur les vilains nobles et curés est donc une construction des dominants pour justifier, légitimer et invisibiliser leur domination.
Ce que montrent la révolution russe et la révolution française, c’est que celle-ci (la révolution) se fait presque toujours dans une violence extrême, que les peuples avides d’égalité et de droits politiques sont spoliés et qu’in fine, le nouveau pouvoir qui remplace l’ancien (la montagne ou les bolcheviks) est parfois milles fois plus sanguinaire que celui qu’il a destitué.
Hannah Arendt avait longuement disserté sur le « trésor perdu » des révolutions.
La violence accouche de l’histoire. C’est déjà présent chez les présocratiques : Héraclite nous prévient : « le conflit est source de toute chose ».
Le tragique des révolutions sanguinaires, c’est que l’ancien monde est prêt à user de tous les moyens pour conserver la pouvoir. Les révolutionnaires doivent donc employer l’arme de leurs adversaires : la violence sans laquelle leur lutte sera vaine. Cette violence finit par transformer le mouvement révolutionnaire qui fatalement devient la caricature violente de ce qu’il affronte. Il y a certes une alternative politique, mais quand la révolution triomphe, ce sont les idées et les personnes les plus violentes qui ont défiguré le mouvement. Nietzsche le dit très bien : « à force d’affronter des monstres, on devient monstrueux ». Le peuple est « cocufié » par ses dirigeants, ses agitateurs, qui en son nom vont instaurer un régime parfois pire que le précédent.

La révolte :

Nous entendrons ce mot, non dans le sens de Camus (l’Homme révolté) mais dans celui de Jacques Ellul.
L’exemple typique de la révolte est l’émeute. La ou la révolution concerne le prolétariat, l’émeute implique le lumpen prolétariat qui est la frange criminelle ou marginale qui est officieusement le prolongement du pouvoir dans les ghettos.
L’émeute n’a aucune positivité. Elle agite des slogans vides, un droit à consommer. Les émeutiers veulent en fait « participer du gâteau » et ressembler aux dominants. L’inégalité ne les dérange pas s’ils ont la plus grosse part. A part brûler des voitures et piller des boutiques de luxe, la révolte ne propose aucune alternative politique. Il y a un mécontentement devant la misère, mais aucun projet alternatif, ce qui la distingue irrémédiablement de la révolution.
La révolte est profondément nihiliste. Un raz le bol absolu, un incendie spontané qui le laisse que des ruines et ne change rien, en profondeur aux institutions et aux inégalités.
Je veux le dire ici au risque de surprendre : les pouvoirs politiques raffolent des révoltes. Celles-ci ne les menacent aucunement car rien de constructif, de transgressif n’en ressort.
Il n’est qu’ à voir la brutalité avec laquelle les zads (qui proposent des modèles politiques alternatifs) sont démantelées par les pouvoirs publics et en regard, l’indifférence absolue, voire la complaisance cynique pour les « territoires perdus » de la république.
De la même façon, à la répression terrible des gilets jaunes répond la tolérance incroyable envers les embrasements de voitures du 14 juillet dans les quartiers.
Si nous voulons aller plus loin, faisons appel à Bernard de Mandeville et son explicateur génial Dany Robert Dufour : la société est divisée non en deux classes comme le croient les marxistes mais en trois : tout d’abord les obéissants qui sont flattés par les pouvoirs et qui obéissent servilement à toute injonction des dominants. Ils sont la masse, « l’instinct du troupeau » (Nietzsche)
Il y a les marginaux qui reçoivent l’opprobre des pouvoirs, la réprobation officielle. La ou les premiers sont des névrosés écrasés par leur sur moi, les seconds sont des pervers sadiens et pulsionnels dirigés par le ça
Mais il y a secrètement une troisième classe sociale, qualifiée de « worse of all men » par Mandeville et qui sont les dominants. Ils ont les avantages des deux groupes précédents : la respectabilité des « straight » et la satisfaction pulsionnelle des « freaks ». Ce sont des pervers puritains, des tartuffes qui proclament partout la vertu et qui s’adonnent aux pires vices secrètement, tout en condamnant les marginaux et autres vagabonds.
Lorsque la masse grégaire des obéissants (le premier groupe) vient à se révolter, les dominants feront systématiquement appel au second groupe pour maintenir leur domination. Cette alliance des pervers et des pervers puritains est visible dans la fascination de nos élites pour le monde du crime dont ils adoptent secrètement les codes. Voila pourquoi les émeutes qui sont la contestation du second groupe sont tolérées par les puissants : elles sont un mal nécessaire car sans les pervers, le pouvoir est nu.

La réforme

Si la révolution est promue par des groupes d’extrême gauche et si la révolte peut avoir une composante ethnique, la réforme est l’acte politique constitutif des sociaux démocrates.
Tachons de la décrire simplement : la révolution doit dans un premier temps détruire l’ancien monde pour en construire un nouveau. Nous l’avons vu, cette force de destruction finit par défigurer la révolution qui devient oppressive en pourchassant les réactionnaires et les contre révolutionnaires.
L’objectif de la réforme est le même : aboutir à des transformations politiques majeures, mais les modalités sont différentes. Les sociaux démocrates qui sont l’un des 3 courants du socialisme (avec les communistes et les anarchistes) souhaitent réformer de l’intérieur et via les institutions le système : le changement plus que la destruction créatrice en somme.
Cela demande de la patience et la réforme a donné dans les trente glorieuses un certain nombre de succès remarquables dont le plan Marshall et les démocraties mixtes nordiques.
Mais la réforme court un risque terrible qui la condamne presque systématiquement : la trahison.
Rosa Luxembourg avait déjà montrée que la république de Weimar faisait in fine le jeu de Hitler en trahissant les masses populaires et en offrant un boulevard aux nationaux socialistes.
Car cette infiltration dans les institutions pour les changer de l’intérieur peut devenir aisément une compromission. Le virage libéral de Mitterrand en 1983 est loin d’être un exception. A peu prêt partout dans le monde, les sociaux démocrates ont trahi les idéaux socialistes pour devenir des sociaux libéraux. Le socialisme est devenu un vestige de façade et l’exigence démocratique abandonnée pour un confort oligarchique. L’idéal social démocrate est noble, mais quand le mouvement devient « social traitre », il devient paradoxalement le pire ennemi de la contestation. Celle-ci se limite alors à des progrès sociétaux en place d’acquis sociaux et le socialisme mixte est abandonné au profit du « réalisme politique » et de politiques d’austérités. Toute velléité de redistribution des richesses est oubliée (au prétexte fallacieux et ridicule de l’exil fiscal des riches) et aucune conquête politique n’est plus possible, le pouvoir étant entre les mains d’intérêts économiques non élus. Le mouvement social démocrate est ainsi devenu sociétal oligarque à tendance libérale libertaire. Il n’est de pire trahison possible de l’idéal de la réforme. Les néo réformistes sont juste la pour la galerie, la façade. Donneurs de leçons perpétuels drapés dans la moraline en contempteurs de la droite ils sont devenus la « gauche du capital » (Michea)et son prolongement idéal

Conversion :

Je n’entends pas ici le mot conversion dans un sens religieux, mais dans l’acception de Robert Misrahi.
La conversion est une conversion à soi-même. Son idéal repose dans cette phrase de Gandhi : « sois le changement que tu veux dans le monde ».
En s’inspirant de la doctrine des épicuriens, qui vivaient dans un monde tourmenté (la démocratie Athénienne n’était plus), on peut rectifier sa vie dans le sens de la morale et de la justice.
L’implication politique dans la cité, la polis, que préconisaient les stoiciens est vaine. Il faut « cultiver son jardin » selon l’expression de Voltaire en réformant sa vie, en s’associant par affinités électives avec des personnes désireuses de vivre plus librement et dignement.
Ces foyers insurgés, ces archipels anarchistes n’ont pas vocation à changer la société par la contrainte mais par la contagion et l’exemplarité.
La politique ne saurait se limiter au bulletin de vote ou au commentaire passif de débats télévisés.
A un niveau atomique, dans les actes quotidiens, dans notre façon de parler ou de se comporter dans notre entourage direct, nous pouvons contester le pouvoir en ne le laissant plus nous opprimer dans les marges de manœuvre que nous laisse l’existence contemporaine.
Il est toujours possible de faire des micro communautés qui sont invisibles de l’extérieur et comme incrustées dans l’organisation sociale.
La graine de la dissidence est invisible ; les milles modalités de la désobéissance civile semblent plus efficace que la violence révolutionnaire, le nihilisme de la révolte ou la compromission de la réforme.
Une gnose libertaire commence à circuler, au début secrètement, puis comme une vrai rumeur de fond : les pouvoirs en place ne tiennent que par ce que nous collaborons. Le pacifisme d’un Gandhi ou d’un Mandella semblent bien plus efficace pour changer le monde.
Quand nous aurons découvert ce potentiel Sartrien insoupçonné de liberté, nous découvrirons de nouvelles marges de manœuvres insoupçonnées. Les chaines de la servitude et de l’aliénation tombent quand on comprend qu’elles tiennent avant tout à notre docilité, notre intériorisation de la servitude. Nous nous ébattons dans l’univers mental de nos maîtres. Libérer la puissance de l’imaginaire, c’est découvrir de nouveaux chemins, de nouvelles possibilités jusqu’alors invisibles à nos yeux. Nous sommes trop souvent les singes, les caricatures des désirs de nos maîtres. Existons par nous-même et pour nous –mêmes. Soyons « nos propres suzerains » pour le dire comme Montaigne, soit pour le dire de façon plus moderne, soyons souverains.

Voila, ce texte arrive à sa fin ; je voudrais pour conclure brièvement aborder les points communs entre contestation et changement.
S’il semble évident que le statu quo ne saurait conduire à la contestation, on a trop souvent confondu changement et contestation. Le progrès peut être un progrès de la servitude et des techniques de contrôle et de surveillance qui rendent au contraire la contestation plus difficile.
Les progressistes qui confondent changement et amélioration sont les idiots utiles des pouvoirs institués qui tendent à se renforcer. La disruption technique ou l’innovation managériale via les boucles de rétro action de la cybernétique renforcent le contrôle à flux tendu (Baptiste Rappin, de l’exception permanente). Plus les chaînes se resserrent, plus elles font partie de nous et deviennent invisibles. Face à cette oppression intime de la neuroscience ou du transhumanisme qui modifient notre chair et notre esprit pour en faire le tissu ontologique de notre prison, la contestation ne peut être qu’intime donc ontologique.
On retrouve l’ancienne hypothèse gnostique : si le monde lui-même est une prison, si nos corps et nos esprits sont des carcans, des camisoles, ou se trouvera le salut, la fuite ? Sans doute la spiritualité, qui ne saurait se résumer à un opium religieux des masses mais à une limitation imposée à notre propre hubrys sera in fine la contestation ultime à l’engluement de l’humanité dans la servitude au cours de l’histoire et de ses âges successifs.
Revenir en haut Aller en bas
https://epiphanie.forumactif.org
 
4 modalités de la contestation
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Modalités de l'action politique

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Epiphanie :: Général :: Hors jeu de rôle-
Sauter vers: