« Obéissance, discipline, ambition. » Trois mots pour briser le silence qui c’était progressivement propagé dans la salle après l’apparition du dernier arrivant. Un pupitre se dressait devant cet homme d’une trentaine d’année, habillé d’un tablier noir cachant un accoutrement simple laissant entrevoir une carrure athlétique.
« Ce sont les qualités que j’attends de mes étudiants. En premier lieu, l’obéissance. Aussi bien l’obéissance à vos supérieurs qu’aux règles qui définissent ce monde. Vous êtes ici pour devenir des médecins et votre chemin est encore long. Lors de votre première année vous ne sauverez personne, la mort est un fait que vous côtoierez et à qui vous obéirez. S’il avait été possible de sauver les patients que vous aurez devant vous, ils auraient été admis devant des personnes plus compétentes. A cela s’exclue les diverses blessures légères et sans conséquence dont vous vous occuperez. »
Bien plus que son gout pour la couleur noir ou le silence qui régnait sur cette salle d’habitude si pleine de vie, son discours désignait notre homme comme un Tremere. Leur sens accru de la hiérarchie et du devoir développé dans les grottes secrètes de Coernic transpiraient dans les paroles qui résonnent dans la pièce. Le sigil qu’il abordait à sa main droite faisait donc de lui un mage, nouvellement arrivé dans l’université de Nuremberg.
« Discipline est la différence entre échec et réussite. Ici vous découvrirez les dégâts que peux engendrer l’ignorance dans des terrains inconnus. La chance ou des conditions extérieures à votre contrôle pourront vous sauver mais vous comprendrez assez vite qu’il sera impossible d’aller plus loin sans préparation ou sacrifice. Seule une disciple de fer vous permettra de vous armer au maximum avant le combat tandis que la fainéantise, la complaisance ou la précipitation vous marquerons comme cible facile.»
Le ton austère du soliloque était renforcé par l’attitude de l’orateur. Sa face était encadrée par des épais sourcils, une bouche mince et un nez aquilin trahissant ces origines slaves. Bien que immobile derrière son pupitre, ces yeux balayent la salle à la recherche d’un faux pas, d’une remarque. Une légère pause marqua la fin de sa seconde tirade puis il reprit la parole.
« Finalement l’ambition est la dernière composante requise. Si le discours que je viens de vous tenir vous a découragé de la médecine, cette classe n’est pas faite pour vous. Si vous désespérez de la longueur de cette présentation, cette classe n’est pas faite pour vous. Si vous remettez en cause ma façon d’enseigner, cette classe n’est pas faite pour vous. Si en dépit de tout cela vous acceptez d’apprendre l’art subtil et délicat de la médecine, alors je serais votre professeur tout au long de l’année. »
Un claquement de main brisa le court silence que suivi la fin du discours et donna aux élèves le signal de se tourner vers les appareils présent sur les tables de la salle.
La fin du cours voit le départ des élèves remplacés petit à petit par les sons de la ville s’introduisant discrètement par les portes et les fenêtres ouvertes. S’éloigner de la calme salle de classe nous introduit au fracas de l’université prenant peu à peu vie à mesure que l’on s’approche de son cœur. La taverne elle accueille ces clients avec un vacarme arrogant et présomptueux remplissant la salle sans considération pour ses occupants. Elle semblait également mépriser toute notion de géographie, un examen en diagonal de la salle laissant apercevoir des maures se mêlant à des sarrasins, des juifs, des gallois et des locaux. Les quatre coins du monde semblaient être réunis dans la pièce dans une illusion éphémère renforcée par la présence d’une esquisse de géant assis sur un banc riant bruyamment à une réplique de l’un de ces interlocuteurs. Parmi eux se trouvaient Adreal et une jeune femme au comportement excité et enthousiaste contrastant avec sa tenue raffinée et symbolique de la noblesse. Les discussions et les sujets s’enchainent au même rythme que les passant joignant la conversation pour un moment ou deux.
Peu à peu le soleil cède sa place à la nuit qui fait fuir les moins téméraires ou ceux ayant rendez-vous avec l’obscurité et ses secrets si bien gardés. Les cloches de l’église sonnent 11 h et accompagnent une nouvelle vague humaine de son son grave et lourd.
Un pas vif mène Adreal vers la tour de l’université, trônant au-dessus du campus. Une porte en bois révèle un escalier en pierre menant vers les sous-sols et laisse deviner des couloirs sombres s’enfonçant plus profondément. Une torche vacillante illumine les couloirs au sol traitre que son visiteur parcours avec une aisance née de l’habitude. Les portes s’enchainent, tantôt exotique et méticuleusement sculptées tantôt banale, branlante et délabrés, chacune étant ignorée jusqu’à l’apparition d’une porte d’ébène noir parfaitement lisse et sans décoration. Une simple pression du sigil suffit à la faire pivoter sans bruit et à dévoiler pendant un court moment un office plongé dans le noir.
Bien que invisible dans cette partie de la tour, l’aube venait d’apparaitre à l’horizon. Assis, un genou ramené près du corps sur lequel repose son coude, Adreal fais danser la flamme de sa bougie autour de son doigt. La nuit a été longe et peu fructueuse, la fatigue commençait à prendre le dessus et à animer les objets de la pièce. La statue de serpent d’un noir insondable semblait se moquer et danser au rythme de la flamme, se réjouissant des échecs qui ne faisaient qu’embellir ces promesses.
Adreal balaya la salle d’un simple coup d’œil, s’arrêtant sur chaque relique témoin des étapes de son arrivée mouvementée à l’université de Nuremberg. Sur sa droite s’étalait son héritage de Coernic et de ces maitres lancés à âmes perdus à la recherche de l’immortalité. Les différents ouvrages de médecines se côtoyaient aux ouvrages plus secrets de nécromancie. Le mur opposé présentait une collection disparate d’œuvres ramenés de pays lointains grâce au grand joyau, leur secret attendant d’être déchiffré au cours d’innombrables nuits sans sommeil. Dominant la salle, la statuette de serpent en onyx trônait sur le mur central entouré d’un cartouche égyptien tracé sur le mur. Cadeau du prêtre Absalom, la statuette du dieu Apep est la seule preuve de son voyage dans le royaume des Ténèbres qui ravive encore les souvenirs frais de l’échec et de la frustration subis. Non préparé, emporté par l’enchainement des évènements Adreal c’était retrouvé en face d’une décision qui avait échappé son contrôle. La proposition du serviteur d’Apep reste encore auréolée du doux gout de pouvoir malgré le gout amer de la rancune ruminé pendant deux mois. Lors de la prochaine rencontre Adreal serra armé et prêt.