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 Modalités de l'action politique

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MessageSujet: Modalités de l'action politique   Modalités de l'action politique Icon_minitimeMer 13 Mai - 16:44

Action politique

Ce petit texte sans prétention a pour but de décrire 3 modalités de l’action politique : une négative : le commentaire et deux positives : la théorie et la pratique. Je suggérerai aussi une approche existentielle de la politique, comme synthèse de la théorie et de la pratique.

Pourquoi faire de la politique ?
Nos contemporains sont souvent dégoûtés de la politique. Le spectacle affligeant des responsables politiques, souvent pris entre affairisme, cynisme et mensonges éhontés  a fini par dissuader de nombreux citoyens de l’action politique.
Ce texte a pour but de suggérer exactement le contraire. Le mal triomphe plus par l’ignorance et l’indifférence qui sont des formes de passivité de ceux qui pourraient infléchir des décisions dans un sens favorable.
En politique, il n’ y a pas de petits et de grands. Chaque citoyen peut s’approprier la réflexion et l’action politique. Comme le montre le principe de Gulliver de Michel Onfray, milles lilliputiens peuvent venir à bout d’un colosse, comme les fourmis finissent par venir à bout d’insectes plus gros et plus venimeux, par leur nombre, coordination, volonté.

LE COMMENTAIRE :

Souvent la pratique de la politique se contente d’être un commentaire.
Les citoyens passionnés de politique aiment visionner des débats enflammés, s’échauffer le sang envoyant leur champion batailler bravement contre son adversaire, en une sorte d’ordalie par la parole.
Dans un deuxième temps, les commentateurs vont comme prolonger ces débats dans des discussions passionnées avec leurs amis, famille, collègues.
A l’heure d’internet, les réseaux sociaux sont mis à contribution. On "like" les commentaires qu’on aime, on détruit ceux qui ne pensent pas correctement, on devient un chevalier de la vertu et du bien.
Souvent on se crétinise. Je veux dire par là qu’on n'est plus dans la réflexion, la recherche, mais dans l’invective. On répète des éléments de langage entendus dans les médias, on scande bêtement comme un perroquet, on commente.
Quand la pensée ne chemine plus, mais se contente de réciter, prier, on est un esprit de clocher, de dévotion.
On s’énerve facilement avec ceux qui ne sont pas de notre avis. On prononce des propos péremptoires comme autant d’accusations, de mises à mort. On est pris par la colère, on veut l’emporter de toutes les façons, même les plus malhonnêtes. On finit par détester son contradicteur, parent, ami ou simple citoyen. On termine par l’insulte : nazi quand on est de gauche, stalinien quand on est de droite.
La pensée n’est plus vivace puisqu’elle se contente de répéter. De plus, l’appartenance à un parti, à une sensibilité politique finit par être vécue comme un substitut à la religion : on « croit »aux droits de l’homme, aux forces du marché ou au socialisme. Le citoyen politique a disparu, le bigot, le dévot est né.
Quand on croit détenir la vérité, souvent on ne possède que des certitudes. On chemine vers le vrai, on ne le possède jamais à part être un dieu ou un saint. Souvent on risque de devenir un fanatique qui répète des mantras à longueur de journée et cherche l’hérésie et le péché partout pour les confondre.
Première leçon : en politique, il ne faut jamais se départir de sens critique, il faut penser contre soi, lire ses adversaires pour ne pas se renforcer dans ses certitudes.
La dialectique telle qu’elle était pratiquée par Platon dans ses dialogues est exactement le contraire d’un débat politique qu’il soit télévisé ou familial. Les personnages philosophiques des dialogues de Platon cheminent vers la vérité. Les interlocuteurs de Socrate sont prêts à changer d’avis quand ils sont persuadés par les arguments adverses. Quand au contraire on est ancré dans ses certitudes, qu’on veut convaincre et vaincre par le propos, on est dans le commentaire politique.

Le commentaire politique est parfaitement vain et stérile. Il n’accouche de rien politiquement parlant : « les chiens aboient, la caravane passe ».
Ce dévoiement de la politique en simple commentaire est parfaitement voulu par les pouvoirs en place, car il ne menace jamais les pouvoirs et les institutions.
Il y a vraiment une organisation de la politique en spectacle, qui met les citoyens dans la situation de « commentateurs sportifs » quand ils pourraient être des athlètes de la politique.
La passivité provoque de l’agressivité, de la frustration, du ressentiment. On conduit les populations à se détester facticement, on crée des épouvantails, des figures à haïr aisément qui dispensent de réflexion qui est couteuse intellectuellement. On crée les conditions d’un simulacre de guerre stérile : la gauche contre la droite, les libéraux contre les socialistes, les conservateurs contre les progressistes, les natifs contre les migrants.
Le système a besoin de ses divisions binaires : « diviser pour mieux régner » semble être sa devise. On agite des oripeaux, on crée des anathèmes, on prononce des excommunications. C’est un gigantesque spectacle, une mascarade, une danse des fous qui occupe l’attention des dominés quand les dominants rient en sous cape, s’amusant de voir les pauvres en bleu (les policiers) qui tapent sur les pauvres en jaune (les gilets jaune).

LA THÉORIE :

Une première alternative est suggérée ici. Si nous ne pensons pas la politique, nous serons pensés et manipulés par celle-ci. On peut échapper au commentaire et à la prière en réinvestissant la réflexion et la pensée dans la sphère politique.
A ceux qui pensent que la réflexion politique est un vain babillage, une péroraison prétentieuse, un effort inutile, je citerai cette phrase de Hannah Arendt
« La pensée juste est déjà de l’action ».
La pensée est un outil puissant quand elle est mise au service de la liberté et de l’émancipation.
Parce que la politique joue avec nos représentations, on peut essayer de développer des représentations plus subtiles et conformes au réel que les slogans des propagandistes et journalistes médiatiques officiels.
Plutôt que de répéter en crétin les slogans qui ont été conçus, presque façonnés pour occuper notre esprit, nous pouvons retrouver l’usage de la pensée articulée et dynamique et forger notre propre représentation du monde. Bourdieu qui avait finement dénoncé la propagande de la télévision proposait que la sociologie devienne un « sport de combat », de la self défense pour éviter d’être manipulés à notre insu.
Il y a 2500 ans, une guerre terrible entre philosophes et sophistes débutait dans la grande démocratie Athénienne. Les philosophes recherchaient la vérité. Les sophistes, avec les mêmes armes verbales cherchaient à convaincre les foules, véritables démagogues ancêtres de nos populistes modernes. Leur triomphe est aujourd’hui éclatant en la personne du président Macron, véritable acteur né, maître du double discours et de la manipulation permanente.
Dans sa Réthorique, Aristote nous dévoile les 3 techniques de la persuasion, le logos (convaincre par la raison), le pathos (manipuler par des émotions instillées dans l’auditoire), l’ethos (la plus dangereuse puisqu’elle consiste à flatter l’auditoire, à louer la moralité de l’orateur).
Ses techniques sont à l’œuvre dans tous les discours. Si on ajoute à cela la complaisance des journalistes, les pseudo dissidents pas vraiment dangereux et le dévoiement d’un légitime débat politique à un match de catch dans la boue avec attaques personnelles et faits divers sordides.

La théorie ne saurait uniquement constituer en un corpus de connaissances en sciences et en philosophie politique. Il faut avant tout déconstruire les catégories mentales des dominants qui enferment les populations dans une prison épistémologique en pratiquant systématiquement le doute et la pensée critique envers les récits officiels, les mythes modernes qui sont comme des religions d’appoint et de substitutions.
A titre personnel, je travaille durement la philosophie politique depuis 8 ans environ. J’ai trouvé plus de vérité dans une page de la Politique d’Aristote que dans tous les discours du personnel politique. Ceux-ci ne visent pas la vérité, mais à provoquer l’adhésion par tous les moyens, y compris en flattant les passions les plus sordides (xénophobie, flatterie) des auditeurs. A titre d’exemple, l’épouillage politique qui consiste à féliciter et à complimenter les auditeurs est un moment obligé de tous les discours politiques.
Le personnel politique est la honte de l’humanité. Ce sont des tartufes professionnels, des nouveaux pervers puritains, "the worse of all men" selon l’expression de Mandeville. Ils affichent la vertu, mais rient sous cape. Ce sont des prédateurs, des alphas, ils ne pensent qu’à leur avantage, à leur ambition et peuvent tuer avec des mots. Leur bréviaire est le Prince de Machiavel qui explique que l’on peut conquérir le pouvoir et le conserver avec la violence du lion et la ruse du renard.
Nous avons la capacité d’exercer des délibérations et choix politiques directement (par référendum) sans passer par ces singes, ces faux valets qui se jouent secrètement de la sénilité ou de la naïveté de  leur maître pour mieux les manipuler, détrousser, trahir.

LA PRATIQUE :

Venons-en maintenant au troisième point, l’action politique.
Dans un premier temps, même si cela semblera artificiel, je voudrais la séparer de la théorie.
Mes grands parents Vicente et Carmen étaient des personnes formidables. Républicains espagnols, résistants français, travailleurs vaillants ils ont fondé une grande famille en France avant de revenir finir leur jour dans l’Espagne post franquiste.
Pourtant, ils n’avaient aucune théorie politique et socialistes ne passaient pas leurs soirées dans les livres de Marx ou Proudhon.
Non, la vie toute entière était leur livre. S’il faut choisir entre la théorie politique et la pratique, j’opine volontiers pour cette dernière. On peut avoir du bon sens, de l’intelligence sans avoir une formation académique

Qu’est-ce que la pratique politique ?
Elle ne saurait se limiter au droit de vote.
Rousseau a écrit dans le contrat social : « le peuple anglais pense être libre. Il se trompe fort. Il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien ».
Cette remarque fort lucide peut être appliquée à tout système de démocratie représentative et à la France en particulier.

Imaginez que vous êtes le seigneur souverain d’une grande maisonnée. Tous les 5 ans, vous choisissez un chambellan, dans une liste de candidats. Une fois élu, votre valet devient votre maître. Peu importe les promesses dont il vous a leurré pendant sa profession de foi, il décide de tout : votre fortune, vos dépenses, votre emploi du temps, votre maisonnée. Mécontent, vous ne pouvez le révoquer avant la fin de son mandat, quelle que soit son outrecuidance, ses mensonges, sa gloutonnerie, ses larcins. Au bout de cinq ans, vous découvrez que votre choix se limite entre ce même valet et une horrible virago, une vendeuse de poissons qui hurle et vocifère sur tout. Quel autre choix avec-vous sinon de le reconduire dans ses fonctions ?

Je pense avoir montré par ce petit récit désuet que c’est exactement ce que nous vivons actuellement en France et que les Français sont fort légitimement mécontents du seul vote.
Les Suisses qui sont en VRAIE démocratie et non pas en oligarchie marchande comme nous (j’emploie les catégories d’Aristote) votent statistiquement 10 fois quand nous votons une seule. Ils ont la possibilité de déclencher un référendum qui est le contraire exact d’un vote consistant à abdiquer son pouvoir à un représentant sans aucune possibilité de contrôle ou de révocation.
Mais la politique pratique ce n’est pas uniquement le vote. C’est la vie dans la « polis », la cité, la communauté souveraine. L’acte fondamental politique est donc dans la façon dont nous nous comportons avec nos amis, famille, voisins, étrangers, citoyens. Celle-ci ne peut être déléguée à quelqu’un d’autre. Mettons dans nos propos, nos actes et nos achats autant d’attention que dans les discours de nos dirigeants. Cette conversion intime, cette révolution étique dont parlait Polanyi est capable d’accoucher un monde meilleur. Nous ne pouvons actuellement changer les institutions qui sont verrouillées par les puissants, mais nous pouvons à un niveau insulaire, presque atomique créer les conditions de la vie sociale harmonieuse.
Gandhi disait : « sois le changement que tu veux dans le monde ». Il y a tant que nous pouvons faire à notre niveau, dans la façon dont nous parlons à un subordonné ou à un supérieur, dans la façon solidaire et durable dont nous consommons : la carte bleue est un substitut du bulletin de vote, sans doute plus puissante encore dans un monde voué au culte du veau d’or. Achetons et vendons éthique, mais aussi pratiquons la gratuité, l’occasion, l’échange non marchand, le don, l’entraide, la fraternité politique.

Voila, j’arrive à terme de mon propos. Je voudrais suggérer brièvement une quatrième catégorie résultant de la synthèse des deux précédentes.
Quand nous articulons la théorie politique et la pratique politique, nous sommes en mesure de mettre en regard, en corrélation nos actes et notre représentation du monde.
La pratique peut être éclairée par la perspicacité du théoricien qui voit loin, peut dissiper les mensonges et les tromperies.
La théorie trouve un accomplissement dans la pratique qui lui évite de demeurer un simple discours au risque de retomber dans le commentaire qui n’est ni de l’action ni de la théorie.
Mettre en accord ses convictions et ses actions, c’est apprendre à  « coïncider avec soi-même » selon la belle expression de Michel Onfray.
La vérité antique était définie comme adéquation du réel et de sa représentation.
Lorsqu’on vie comme on pense, on accède à un niveau d’être plus profond. C’est ce que je nommerai pour finir l’existence politique.

Prenez soins de vous !
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MessageSujet: Re: Modalités de l'action politique   Modalités de l'action politique Icon_minitimeSam 19 Fév - 19:08

Politique et vote

Sommes-nous en démocratie ?

Toute personne qui en doute se voit immédiatement déconsidérée. L’argument le plus couramment utilisé est que la situation pourrait être pire comme dans d’autres pays dictatoriaux dont la liste est trop longue pour être citée ici.
Par rapport à ces pays, on se rengorge, on se permet des points de vue lapidaires, on les observe avec supériorité et mépris puisque c’est un fait non discutable « nous sommes en démocratie »
Comme toute religion, comme tout crédo, douter de la Vérité Fondamentale suffit à exclure de l’assemblée des croyants.
Observons quelques éléments ponctuels
La définition usuelle de démocratie, si l’on remonte simplement à l’étymologie est que le pouvoir est exercé par le peuple (Demos Cratos).
C’est donc que le peuple des citoyens est souverain seul.
In fine, chaque pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire) et si l’on y rajoute les pouvoirs étendus (économique, médiatique, technologique et syndical) doit donc être au service du peuple français
Il devrait donc y avoir un équilibre de ces pouvoirs, afin d’éviter une emprise d’un pouvoir au service des autres.
Examinons brièvement chaque pouvoir :
- Le pouvoir exécutif est lié à l’élection au suffrage universel du président de la république. Théoriquement ce mode de désignation est démocratique puisque chaque citoyen français peut voter pour le candidat de son choix. Concrètement un certain nombre d’éléments entravent cette réalité :
o Le financement des partis politiques français conduit les classes moyennes à financer les partis politiques des riches. Je renvoie aux travaux de Julia Cage. La conséquence est que les partis politiques des classes aisées disposent de moyens financiers sans commune mesure pour amplifier l’influence de leur candidat.
o La surreprésentation médiatique de certains candidats pose le problème de l’indépendance des médias en période électorale. Là encore, je renvoie aux travaux de Julia Cage sur le financement oligarchique et étatique des médias qui génèrent l’audience et de la quasi absence médiatique de certains candidats
o D’autres verrous existent comme la nécessité d’obtenir 500 signatures d’élus ou la sortie « opportune » d’affaires judiciaires pour discréditer un candidat
- Le pouvoir législatif est théoriquement constitué de représentants du peuple (en particulier les députés) qui doivent surveiller au nom de la population l’exécutif. Concrètement, le mode de désignation de l’assemblée nationale est majoritaire, une exception dans les pays occidentaux ou il est en dehors de la France et de la Grande Bretagne proportionnel. Cette exception française est l’un des plus gros scandale démocratique qui soit. Seul un mode de scrutin proportionnel permet d’avoir une assemblée représentative de la diversité des courants dans une population. En France, le calendrier électoral et le mode de scrutin (majoritaire donc) permet d’avoir systématiquement une assemblée « paillasson » issue en grande majorité du partie politique du président. Une telle assemblée ne saurait plus avoir aucun rôle de contre –pouvoir. Ce sera simplement une chambre d’enregistrement des volontés de l’exécutif
- Le pouvoir judiciaire ne remplit plus sa fonction de pouvoir indépendant des deux autres. Par exemple le conseil constitutionnel est nommé par le président de la république, du sénat et de l’assemblée nationale. Il ne rend aucun compte à la population et son mode de désignation est complétement népotique.
Nous avons vu que les institutions de la cinquième république ont complétement été corrompues (au sens de la politique d’Aristote). Par exemple le référendum avait été prévu comme une modalité essentielle de la vie politique par le général De Gaulle mais depuis le référendum sur la constitution européenne de 2005 et la trahison de 2008 par l’exécutif et le législatif, ce mode essentiel puisqu’il garantit de la trahison des représentants du peuple n’est plus employé.

Voyons maintenant les pouvoirs étendus :
- Economique : inutile d’insister sur ce point évident : le pouvoir économique est l’un des pouvoirs derrière le trône, à la fois parce qu’il fait élire le pouvoir qui lui est le plus favorable (parfois il règne même directement sans aucun simulacre) et qu’en retour, le pouvoir politique lui est complétement redevable. En régime néo libéral (de gauche, du centre ou de droite, ce sont juste des vernis), le pouvoir économique est désencastré (je reprends l’expression de Karl Polanyi) et ne rend plus compte au politique. Les lobbies font voter en toute impunité les lois qui sont favorables aux grands groupes industriels ou financiers qu’ils représentent. Il n’y a plus de régulation économique, car il n’y a plus de régulateurs. Je renvoie à Aristote et à ses lumineuses analyses de la ploutocratie (le pouvoir des riches). Bien sur quand le pouvoir ultime devient économique l’idée du bien commun disparait. Les décisions politiques dimensionnantes sont prises au bénéfice seul des grandes fortunes et actionnaires qui sont une toute petite partie de la population.
- Médiatique : le pouvoir médiatique devrait être un contre-pouvoir. Ce temps la est complétement révolu. Les organes médiatiques générant de l’audimat sont contrôlés par des milliardaires (et donc le pouvoir économique) ou appartiennent ou sont financés par l’état (pouvoir exécutif). Ils ont dans le dispositif du pouvoir une fonction essentielle, celle de la propagande, soit de fabriquer le consentement afin que le peuple ne se déverse pas en furie dans les rues pour changer les institutions. L’armée et la police n’interviennent que lorsque la courroie de sécurité lâche, c’est-à-dire lorsque l’assentiment à la doxa médiatique est rompu. A ce moment le pouvoir peut apparaitre comme nu et pour ce qu’il est vraiment : prêt à tuer et enfermer pour se maintenir, par tous les moyens. L’expérience de Milgram montre le point hallucinant de conformisme et d’obéissance à l’autorité auquel peut être amenée une population. Naomi Klein a montré également dans la stratégie du choc qu’une situation exceptionnellement pénible pour une population plonge celle-ci dans une prostration, une catatonie qui est une vraie aubaine pour le pouvoir puisque quelques soient les vicissitudes qu’on lui impose, lorsqu’elle est choquée, la population se soumettra.
- La pouvoir syndical est théoriquement un contre-pouvoir au pouvoir exercé par le patronat, les actionnaires et les managers. Dans les faits, il est un simulacre extraordinaire, un véritable filet de sauvegarde pour tous les autres pouvoirs. Les syndicalistes sont très véhéments et très tapageurs, mais lorsque le pouvoir vacille, ils seront toujours du côté des pouvoirs institutionnels ou étendus. Ils permettent de canaliser les populations que rien ne peut plus contenir et comme un édredon, ils amortissent le mécontentement populaire. Les représentants sont retournés au achetés avec aisance par le pouvoir corporatiste. Le reste n’est plus que de la représentation, du théâtre.
- Le pouvoir technologique est celui de la technocratie, de ceux qui usent de la technique comme d’un pouvoir. Je pense que ce pouvoir est vraiment le pouvoir ascendant destiné à supplanter très vite le pouvoir économique en le dévorant de l’intérieur. Les GAFAM, les transhumanistes et les entreprises numériques ont pris de façon invisible le contrôle de nos vies. Nous passons en moyenne 12 heures par jour devant des écrans et nos moindres traces numériques sont épiées, espionnées, revendues au pouvoir économique ou politique. Nous sommes mus, pilotés à notre insu. On nous a connectés à la machine et la fascination digitale, véritable emprise numérique nous a éloigné définitivement du monde réel et de la capacité d’agir autrement que par des clics. En lieu et place d’un référendum populaires sur tous les sujets dimensionnant, on nous propose de commenter sur les réseaux sociaux, en boucle et de déposer un « like » sur facebook sur un sujet polémique qui fait le « buzz ». A ceux qui douteraient encore de la puissance du numérique, on peut conseiller de s’intéresser par exemple au crédit social en Chine.

Je pense avoir montré que les différentes facettes du pouvoir institutionnel ou étendu n’obéissent plus au seul pouvoir qui vaille en démocratie : l’arbitrage ultime, la souveraineté de la population.
Les représentants du peuple trahissent systématiquement parce que c’est leur intérêt et qu’il n’y a pas d’instance populaire (comme le proposait Alain) qui contrôle les représentants de la population.
Le seul mode de choix démocratique des lois par referendum n’est plus employé car la contrôle des populations ne pourrait plus être exercé en amont que par la propagande médiatique, ce qui est trop dangereux pour le pouvoir qui veut se maintenir par tous les moyens.
Vouloir prendre le pouvoir est une pathologie mentale ou comportementale. Ceux qui l’obtiennent ne devraient que représenter les intérêts du groupe qui les a désignés. Mais la tentation est trop grande, en l’absence de contrôle et dans l’opacité d’un entre soi de veiller à son propre intérêt et à celui de la caste des dominants au détriment de l’immense majorité des dominés. C’est pour Aristote la définition d’un pouvoir corrompu, lorsque celui-ci ne veille plus au bien commun.
Dès lors, il n’y plus aucun garde-fou démocratique à la destruction de la planète, des communautés humaines et de la psyché individuelle.
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MessageSujet: Re: Modalités de l'action politique   Modalités de l'action politique Icon_minitimeVen 13 Mai - 21:19

Libération

Certains textes parlent de Servitude, d’autres de Liberté, souvent théoriquement et doctement.
Je voudrais aborder cette question de façon pratique, dynamique et pragmatique, soit comment augmenter le degré de liberté de nos existences.
Un peu à la façon de Marx, l’idée n’est pas de comprendre le monde mais de contribuer à la transformer, sans idéalisme et de façon humble.
Il y aura donc dans ce petit texte 4 pratiques distinctes pour accroitre sa liberté et celle de la communauté humaine :

- Résister à la servitude.
De nombreuses expériences comme celle de Milgram ont montré que la disposition humaine, presque ontologique à la soumission et au conformisme entrainent la soumission au pouvoir.
Les puissants puisent bien dans un certain nombre de caractéristiques ontologiques propres à la condition humaine pour nous soumettre.
Nous jouissons de nous soumettre à une figure d’autorité, notable, médecin, supérieur hiérarchique, etc.
Pour le puissant, il suffit d’arborer l’uniforme du pouvoir (parfois c’est une soutane ou une blouse blanche ou un col noir) pour avoir réussi à nous soumettre à moitié. A cela il faut ajouter l’habitus, la gestuelle, la prestance, l’assurance et la confiance en soi du puissant. Finalement l’idéologie d’un discours est très secondaire dans la comédie, le théâtre du pouvoir (relire à ce propos la société du spectacle de Debord).
Je voudrais aussi puiser dans l’éthologie. Nous sommes encodés en tant qu’humains à nous soumettre à la figure symbolique de l’alpha. C’est un secret de polichinelle qu’il ne faut surtout pas révéler. Les puissants sont si peu nombreux. Comme le dit l’anthropologue Graeber, nous sommes les 99 % mais une peur atavique, une terreur irraisonnée nous tient dans la servilité. Souvent cette servilité, loin de nous chagriner nous procure un plaisir extrême. Comme dans les clubs sado masochistes huppés, plus grande la soumission, plus grande la jouissance.
L’obéissance à l’autorité ne fait pas tout. Le conformisme est une force terrible au service de notre humiliation et aliénation.
Nous ne jouissons pas uniquement de nous soumettre au Maître (ou à son alter égo féministe la Maîtresse), nous jouissons aussi de nous conformer à la masse. Comme le banc de poisson se resserre face à un prédateur et adopte un comportement unique, la terreur d’être ostracisé par le groupe, d’être singularisé, désigné comme différent nous conduit en permanence par une sorte homéostasie perverse à nous ajuster à la masse, sorte de « médiocratie ». Souvent, nous préférons gâcher un potentiel exceptionnel par crainte d’être désigné à la foule hurlante des conformistes. Il faut qu’aucune tête ne dépasse, l’armée des clones veille à notre servitude.
Comment résister à l’obéissance et au conformisme qui sont ancrés en nous ? Comment extirper la graine de la servitude ?
Je pense qu’il faut une ascèse, soit une construction existentielle qui tendra à développer notre courage et notre sens critique : il faut beaucoup de courage pour oser désobéir au patron sans trembler et se dissocier de l’armée des conformes sans raser les murs.
Le but n’est pas forcément de prendre des risques insensés mais de trouver en soi le courage d’oser. Souvent, nous avons intériorisés la violence du tyran et de sa horde se serviteurs conformes et désobéir nous plonge dans des abimes de terreur, même et surtout quand nous ne risquons rien. Pratiquons la micro résistance et les lignes de fuite Deleuziennes.
Le sens critique est un courage intellectuel. Quand les masses hurlent leur haine envers l’Ennemi Désigné, il convient de conserver son intégrité de jugement, ce que les anciens sceptiques nommaient epoche. Quand un message paroxystique est porté à son incandescence, toute forme de modération est perçue comme une forme larvée de traitrise. Je renvoie à la minute de la haine de 1984 de Orwell.

- Résister à la tentation de tyrannie
Chaque Homme peut aisément être transformé en tyran : il suffit de lui donner des serviteurs. L’homme libre n’est pas uniquement celui qui n’obéit pas, c’est celui qui ne commande pas non plus.
Le pouvoir est loin d’être uniquement le fait d’une classe sociale dominante sur une classe sociale des dominés. Non, c’est beaucoup plus subtil. Il faut en revenir à la définition de Foucault : le pouvoir est un réseau, une trame, une toile qui traverse tous les groupes humains. Celan ne concerne pas uniquement la politique ou l’économique. Même soumis professionnellement, si nous sommes un despote dans le cadre familial, nous aurons simplement échangés symboliquement une servitude professionnelle par un despotisme domestique. Ce point est important : souvent, nous nous consolons du mal que l’on nous fait et que nous endurons en exerçant une terrible négativité dans d’autres instances sociales, comme la famille par exemple. On fait souvent payer à plus faible que soi, l’humiliation d’avoir à se soumettre. Nous pouvons à la fois être soumis et tyran selon le groupe social considéré.
Il faut apprendre à se dire « la négativité ne passera pas par moi » et « je ne ferai pas payer un innocent de l’injustice que je subis ».
Je propose l’ascèse comme un chemin d’éducation de nos désirs afin de ressentir par compassion et empathie la souffrance que nous infligeons quand nous sommes en situation d’autorité abusive.
Nous avons le choix : nous ne sommes pas condamnés à choisir entre le statut de bourreau et celui de victime. Il existe un troisième chemin, celui de la non violence qui est la vraie force. Pouvoir faire du mal sans le réaliser concrètement, cela nous évitera de choisir entre l’impuissance et la capacité de soumettre et détruire.

- L’interposition
C’est un concept intéressant du philosophe Éric Sadin.
Le mal tient moins à ceux qui le commettent et à ceux qui le subissent qu’à la multitude des témoins qui observent sans broncher, sans courage et sans empathie, un humain se faire briser par d’autres.
Si la résistance à la soumission demandait du courage et le refus de la tyrannie de la compassion, l’interposition demande ces deux qualités à la fois.
Il faut de la compassion pour ne pas fermer les yeux devant la personne qui est mise à terre et rouée de coups devant soi.
Il faut du courage pour s’opposer à un supérieur despotique qui harcèle un collaborateur.
Tous les milieux sociaux sont propices à cette injonction d’interposition : familles, travail, paroisse, etc.
On peut s’interposer entre une victime et un tyran ou entre une victime et le groupe social conformistes qui veut la punir de sa différence physique ou de ses opinions.
Les pervers puritains aiment bien frapper au nom de la vertu. Ils feront tuer des peuples entiers au nom de la Raison, de la Patrie, de la Religion ou des Droits de l’Homme. Tous les prétextes sont bons.
Sans compassion, la violence apparaitra banale et normale et le témoin ne s’offusquera de rien puisque les autres aussi tournent la tête et sont indifférents.
Sans courage, le témoin n’osera pas braver la foule déchainée des conformes ou le tyran ivre de sanctions et de châtiments. S’interposer, se serait risquer de prendre des coups en lieu et place de la victime.
Ce que je propose, ce n’est pas forcément l’héroïsme de celui qui met sa vie en jeu, mais la stratégie et la micro résistance. Entre la passivité du lâche et de l’indifférent et le risque insensé du téméraire, il y a tout un spectre d’actions possibles préventives (prévenir l’assaut) ou curatives (réconforter la victime, condamner le mal). Il y a donc une possibilité entre l’inaction et le suicide social. On peut toujours faire quelque chose quand un frère humain a mis un genou à terre et que les coups continuent de pleuvoir.

- Lutter contre les despotes intimes

Qu’est-ce que la liberté ?
Pour les modernes, c’est parfois la licence du comportement : « faire ce que l’on veut »
Pour les anciens, la liberté n’est pas un pouvoir mais une ascèse qui consiste à modérer et maitriser ses vices et passions.
Celui qui veut être maître d’une multitude doit être le souverain de lui-même.
Dans notre personnalité, il y a certains traits de caractère qui peuvent possiblement faire souffrir d’autres êtres humains.
Nous charrions en nous dans le creuset de notre âme une ombre terrible qui si on y prend garde va nous gouverner et faire souffrir la communauté des hommes.
Il faut se méfier en particulier de ceux et celles qui veulent à tout prix le pouvoir. Ils ne le font pas pour servir la communauté mais pour se servir.
Il y a souvent une terrible blessure d’ego, une faille dans la construction psychique qui les conduit à vouloir obtenir et exercer le pouvoir par tous les moyens, pour se consoler d’être des mutilés affectifs et existentiels.
Les empereurs et les grands monarques sont au fond d’eux des avortons amputés de l’estime d’eux même. Ils vont chercher à combler ce manque d’amour propre par une emprise sur les autres.
Ils sont souvent esclaves de leur monde intérieur : esclaves d’eux – même, de leurs passions et vices donc maîtres des autres et despotes en puissance.
Donc à travers eux, ce sont leurs démons intimes qui prennent le contrôle de la société.
Surtout ils aiment se draper de la toge de la vertu et du masque de la probité.
Ils sont parfois très courageux, mais peu emphatiques, surtout lorsque leur prestige est en jeu. A ce moment ils peuvent tuer ou faire tuer, mais toujours au nom de Bien et de la défense de la communauté.
Je ne décris pas une typologie rare et pathologique mais une tendance tapie dans le cœur de chaque humain. Oui, le tien et le mien aussi.
Il faut grandir en humanité, soit résorber les vices et passions qui nous asservissent ou nous poussent à asservir d’autres personnes.
Il faut développer ces deux grandes qualités indissociables dont j’ai déjà parlé : la compassion sans laquelle le mal ne sera pas ressenti et le courage sans lequel la compassion sera impuissante.
Loin d’un choc démiurgique et frontal contre les tenants du système et le système lui-même, je propose la discrétion de l’entraide sincère et gratuite et la vraie force qui est le contraire de la violence.
Je propose la stratégie des micro luttes, la résistance asymétrique, la désobéissance civique, la guérilla non violente et pacifique, la constitution de communautés construites sur des affinités électives.
Ce chemin porte un nom : anarchie.
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MessageSujet: Re: Modalités de l'action politique   Modalités de l'action politique Icon_minitimeMar 24 Mai - 19:19

Social et Sociétal

Qui parle : je suis libertaire, socialiste et démocrate
A qui s’adresse ce texte : à un public raisonnable et tolérant.
Le sujet que je vais aborder est polémique. C’est un effet voulu du pouvoir que de polariser l’opinion entre les pours et les anti. On crée sur de nombreux sujets sensibles des sectes qui se conspuent, qui entrent en religion. On ne réfléchit plus, on est pour ou contre. J’ai voulu au contraire, selon la belle expression de Spinoza « ni louer ni blâmer mais comprendre » ou à la façon de Nietzsche, sortir de la « moraline » et faire un peu de généalogie.

Les frères ennemis du socialisme :
Au XIXéme siècle, une terrible querelle oppose deux courants du socialisme, le marxisme et l’anarchisme, souvent représentés par les relations houleuses qui opposèrent Marx et Proudhon.
Les marxistes considèrent que l’infrastructure économique commande la superstructure idéologique.
La conséquence est importante : les inégalités économiques commandent aux autres inégalités quelles qu’elles soient (genre, ethnie, religion, etc.).
En fait, pour les marxistes, la lutte sociale est plus importante que la lutte sociétale. La résorption des inégalités économiques partout ou le capitalisme règne règlera toutes les inégalités et conduira « dialectiquement » au triomphe du prolétariat et à l’abolition des classes sociales.
Pour les anarchistes, ce n’est pas le cas. L’oppression doit être combattue quel que soit le domaine ou elle s’applique : dans l’usine bien sur sous la férule du capitaliste, mais aussi dans la famille aussi sous l’oppression du patriarche, mais aussi dans les relations entre les communautés ethniques pour sortir définitivement des formes larvées d’esclavage et de colonialisme.
En tant qu’anarchiste, ma préférence est claire : lutter contre toutes les formes d’inégalité, ne pas opposer le sociétal et le sociétal : la lutte pour l’égalité entre les individus et les communautés doit être menée dans toutes les dimensions : le combat social est aussi important que le combat sociétal.

A ce stade là on ne voit pas ce qui pourrait être ajouté…
Et pourtant, je voudrais maintenant développer un concept que j’ai trouvé sous sa forme la plus élaborée chez le grand politologue Jean-Claude Michea :

Le Leurre sociétal
En 2017, suite à l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence, l’élection législative offre au parti présidentiel une vaste majorité de députés centristes dont un tiers environ sont issus du PS.
Quand on étudie la composition sociale et sociétale des députés en marche, un double constat s’impose :
Sociétalement, la composition des députés LREM est très diversifiée, mixte et paritaire, ce qui peut sembler une très bonne nouvelle. Les députés issus de la diversité sont nombreux et la parité Homme/Femme est respectée.
Socialement, en revanche, c’est une catastrophe : tous les députés LREM ou presque sont issus des CSP ++. Il n’y a presque pas de députés LREM appartenant aux classes moyennes, aux employés ou ouvriers. Ceux-ci constituent pourtant la majorité de la population française.
L’assemblée (de la perspective des députés centristes) est donc parfaitement représentative de la population sociétalement ; en revanche elle témoigne d’un entre soi bourgeois socialement.
C’est un point important : on sait la politique qu’ à mené le groupe LREM pendant 5 ans, néo libérale et terrible pour la catégories les plus humbles (et pourtant majoritaires) de la population.
Je vais rester un peu sur ce point qui me semble important : la question que l’on peut poser est « une femme noire lesbienne est-elle incapable de défendre les intérêts des travailleurs et des populations opprimées par les néo libéralisme décliné avec servilité par les partis de l’extrême centre ? »
La réponse semble évidente : les luttes ne s’opposent pas et le social ne s’oppose pas au sociétal
Mais et c’est un mais de taille, pour un pouvoir machiavélique, il peut être intéressant pour exécuter une politique violente socialement, inégalitaire et injuste de choisir des représentants des groupes sociétaux opprimés et discriminés : c’est ce que Michea nomme le leurre sociétal.
Ce n’est pas la population mais bien le pouvoir qui joue le sociétal contre le social : en montrant son ouverture sur le plan des minorités ou de la parité de genre, il lui est plus facile d’avancer dissimulé et de prétendre agir au nom des populations quand il agit uniquement au nom de la bourgeoisie.
Il sera sans doute plus difficile de critiquer une député LREM noire et lesbienne qui contribue par son vote à détruire le modèle social français si toute critique de cette politique est invalidée car s’adressant à une femme noire et lesbienne. Cette critique serait suspecte d’être raciste ou homophobe ou misogyne. Cette confusion entre l’action politique menée (qui elle est évidemment critiquable) et un certain nombre de caractéristiques ethniques, comportementales ou de genre sujettes au racisme et à la discrimination coupe court à toute forme de contestation.
Nul ne veut se voire affubler de la flétrissure de raciste. Dans notre société contemporaine, c’est certainement la souillure suprême qui invalide à jamais celui qui la profère.
La conséquence, ancrée dans les corps et les esprits, c’est que toute critique devra être précédée de précautions sémantiques « je ne la critique pas en tant que Femme et je salue au contraire le fait qu’elle en soit une, mais le bilan social mené par Madame Borne est calamiteux »
Il y a aussi la possibilité que pour une partie de la population appartenant à des groupes stigmatisés ou victimes du racisme, la nomination d’une personne issue de ces mêmes groupes est en soi une bonne nouvelle et ce indépendamment de la politique qui sera menée.
Pour le pouvoir néo libéral, c’est formidable. Les loups ou plutôt les louves grimées en agnelles vont pouvoir en toute candeur décliner la plus grande violence sociale drapées dans la posture de victimes du racisme structurel de l’Homme Hétérosexuel Blanc Catholique et de Droite (j’ai mis des majuscules pour bien essentialiser ces catégories sociétales oppressives).
Le néo libéralisme libertaire est une possibilité qui allie les marqueurs sociétaux à la plus grande rudesse et violence sociale.
Si le directeur d’une grande firme appartient à un groupe ethnique stigmatisé, s’il applique les directives des actionnaires en ordonnant un plan social d’une sauvagerie inouïe qui met au chômage 10 % des employés, s’il harcèle épouvantablement ses collaborateurs et bourreau de travail exige d’eux des semaines de 80 heures, quelle sera la ligne de défense de cette personne si elle est mise face à sa violence managériale ?
Il est possible que ce soit « vous êtes racistes, vous me critiquez uniquement en raison de mon orientation / mes origines ».
Il est possible aussi que les actionnaires aient choisis cette personne non pas en dépit de ses origines / orientation mais comme un facteur de communication et d’adhésion : c’est ce que les anglais appellent le « woke washing », mot décliné sur le modèle du « green washing ». Le green washing est une hypocrisie qui consiste à feindre un intérêt environnemental afin de maximiser une image de marque et un crédit éthique auprès des consommateurs.
Le capitalisme est pervers. Il est prêt à inclure la légitime souffrance des populations victimes de discriminations dans ses calculs pour maximiser les profits et éviter toute critique éthique. Le choix d’un mercenaire issu d’un groupe discriminé mais prêt à décliner la violence néo libérale est malheureusement une option. Je renvoie à l’actualité et à la nomination du nouveau gouvernement de Madame Borne.

Empuissancement

Je voudrais profiter de la sortie assez récente d’un livre de la journaliste Madame Léa Salame « Femmes puissantes » pour proposer une petite réflexion.
Le thème de l’empowerment est souvent employé dans les « studies » américaines issues de la déconstruction. En français, on parle plus volontiers d’empuissancement.
Quelle en est l’objectif ?
De nombreux groupes, selon leurs origines ou orientations sont l’objet de terribles discriminations et oppressions. L’objectif de l’empuissencement est de faire accéder à la puissance les personnes appartenant à des groupes exclus du pouvoir économique ou politique.
Cet objectif me semble parfaitement louable et légitime mais j’ose en tant qu’anarchiste une petite réflexion.
Nous autres anarchistes nous méfions du pouvoir sous toutes ses formes. Le mot même d’anarchie indique un refus de l’Arche grec, le pouvoir.
Il est donc bel et bon pour un groupe opprimé de vouloir accéder au pouvoir, mais de quel pouvoir parle-t-on ?
S’agit-il du pouvoir que l’on exerce sur d’autres personnes, auquel cas cela peut vite devenir de l’oppression ?
S’agit-il du pouvoir que l’on exerce sur soi-même, auxquels cas c’est plus une ascèse existentielle, une maitrise des passions sur le mode antique ?
S’agit-il de caricaturer les oppresseurs, de devenir soi-même une personne puissante et violente ?
Ne risque-t-on pas en luttant contre le mal et l’injustice par être tellement possédé par la lutte que l’on finit par ressembler à ses ennemis ?
L’Homme libre n’est pas celui qui n’est pas esclave, c’est aussi celui qui n’a pas de serviteurs.
C’est là où j’en reviens à Léa Salame et à son livre Femmes puissantes : on conviendra aisément que Madame Margaret Thatcher fut une femme puissante. Est-ce en soi un objectif ?
Madame Thatcher a inspiré tellement de femmes puissantes. Madame Pécresse la revendiquait comme une inspiratrice de son programme. Mais la Dame de Fer est connue pour avoir brisé avec une cruauté extrême la plus terrible grève qu’ait vécu l’Angleterre. Madame Thatcher a conservé son amitié au dictateur Pinochet jusqu’ à la fin de sa vie. Et il n’y a nul hasard la dedans si on remonte à la genèse du projet néo libéral. Le Chili de Pinochet a été le premier pays a décliner le paradigme néo libéral de Hayek et Friedman. Depuis Thatcher et Reagan, la « thérapie de choc » néo libérale a été appliquée partout dans le monde ; je renvoie aux travaux de Naomi Klein.
Il me semble qu’en France, il a fallu attendre l’élection de M Macron pour que la néo libéralisme se montre enfin non plus de façon larvée et voilée, mais dans sa hideuse nudité. M Hayek, le grand économiste fondateur du néo libéralisme explique dans la Route de la Servitude qu’un régime autoritaire libéral est toujours préférable à une démocratie sociale.
Qu’observe-t-on aujourd’hui ? Madame Lagarde à la BCE, Madame Van Der Leyen à la commission européenne et Madame Borne en France sont toutes des déclinaisons de la Dame de Fer. Ces femmes puissantes exaltées par le néo libéralisme sont coupable au regard des peuples de tellement d’injustices sociales au nom de la Religion de Saint Hayek.
Mais la figure même de Madame Léa Salame me semble inspirée par le titre de son livre : voilà une journaliste qui m’a toujours gênée par sa partialité, sa tendresse presque érotique envers les tenants du pouvoir économique (de Carlos Ghosn à Emmanuel Macron), sa dureté presque inhumaine envers les défenseurs de la justice sociale. J’insiste sur la tension presque sexuelle avec laquelle parfois elle se tient lorsqu’elle interroge les puissants. A ce moment-là les masques tombent, il y a quelque chose comme une libido compulsive du pouvoir qui s’exprime.
On peut tenir Sœur Emmanuelle pour un exemple d’amour et de compassion envers les pauvres et les affligés. Est-ce un modèle et une inspiration ? Je le crois. Est-ce une femme puissante ? Clairement non.
Madame Salame singe les attributs d’une virilité agressive et pugnace. Curieusement sa Puissance semble être la caricature de celle que l’on reproche aux machos. Est-ce en enviant les caractéristiques les plus discutables d’une certaine forme de la masculinité toxique que les femmes vont s’empuissanter ?
Sans doute non, cherchez la douceur, la patience et la bonté. Au final ce sont peut-être ces vertus (qui ne sont pas par essence ou par magie masculines ou féminines) qui sauveront l’humanité.

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MessageSujet: Re: Modalités de l'action politique   Modalités de l'action politique Icon_minitimeVen 18 Nov - 21:09

Violence

Je voudrais traiter ici de violence et de son rapport à l’individuel et au collectif.
Pour les individualistes, la violence tient souvent à l’oppression de la société, de la communauté. Celle-ci serait presque par essence normative et négative des singularités et des potentialités. Ainsi les libéraux tiendront souvent ce discours (et j’entends libéralisme comme un système total et ontologique et pas uniquement comme un système économique).
Au contraire, les collectivistes pensant que l’égoïsme individuel est la source de tous les maux et de tous les travers. Les socialistes sont souvent dans cette critique (sociaux-démocrates authentiques, néo communistes ou anarchistes).
Ainsi, on voit chaque bord accuser le bord contraire de tous les travers.
Dans un précédent texte, j’avais proposé de dépasser dialectiquement, de façon presque Hegellienne l’opposition entre individu et collectivité.
J’avais expliqué qu’un bon rapport à soi-même (d’estime de soi) entraine un bon rapport aux autres (empathie) et qu’un mauvais rapport à soi-même (l’égoïsme ou le narcissisme) entraine un mauvais rapport aux autres et au monde (accaparement, domination, violence).
Je n’avais pas perçu alors ma dette envers Rousseau et son discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes qui définit ses catégories sous le registre de l’homme sauvage (vertueux) et de l’homme civilisé (décadent)
Ce faisant, l’idée est plus de réorienter le regard intime, introspectif d’un individu à lui-même pour sortir d’une modalité dégradée et parvenir à une modalité de la relation authentique et je crois ontologique.
Sous le registre de la déficience relationnelle (intime ou sociale) se cache une atrophie affective grave, de type ontologique. Certains humains grandissent dans un déficit perçu d’amour et d’affection parentale. Ils deviennent des avortons affectifs, souvent amputés ontologiquement de la pure plénitude du sentiment d’exister. C’est une constatation ontologique et non psychologique.
Réorienter l’amour de soi de façon harmonieuse nécessite donc de retrouver la joie d’exister. C’est un peu comme se dire « il est bon que j’existe », mais cela ne se passe pas au niveau du concept ou de la psychologie, mais bien plus profond de la néoténie affective ou de la complétude affective.
Tout cela a déjà été exposé dans de précédents textes, je n’y reviens pas.
Pour revenir au projet de cette réflexion, étudier la violence du point de vue des catégories individuelles / collectives revient je pense à se poser 4 thématiques :
- La violence de l’individu sur l’individu
- La violence de la collectivité sur l’individu
- La violence de l’individu sur la collectivité
- La violence de la collectivité sur la collectivité
Nous allons brièvement aborder ces 4 points :
- La violence de l’individu sur l’individu
Nous sommes tous des puissances dotées d’une capacité d’action que j’appelle pouvoir sur le monde et sur les autres.
Le pouvoir peut s’exprimer harmonieusement en tenant compte de l’ontologie de l’extériorité sur laquelle il s’exprime ; on parle alors de force
Mais le pouvoir peut aussi s’exprimer de façon destructrice en imposant son action, son empreinte contre la volonté de ce qui patit de son action : on parle alors de violence.
L’agent violent peut donc imprimer sa puissance sur un autre agent, qui devient alors passif et victime de l’action du violent.
Je veux dire que la violence est avant tout dans l’absence de prise en considération de la victime.
Si le violent réalise intimement que la victime est aussi une partie de lui-même, et qu’il se guérie de l’illusion solipsiste, alors les souffrances de la victime lui paraitront intolérables.
Sans doute cette idée nous semble folle que la victime et le violent ont une affinité ontologique profonde.
C’est bien parce qu’il s’est coupé du monde et des autres, qu’il s’est muré en lui-même, que le violent ne perçoit plus qu’il est une partie de l’humanité, du vivant et de ce qui existe et que toute violence est un peu comme une main frappant et déchiquetant l’autre main dans un même corps.
Il faut je crois réorienter le regard du violent en développant de façon préventive l’empathie et la compassion qui permettront d’échapper à l’illusion solipsiste.
De façon semblable, détruire la nature, c’est détruire notre habitabilité sur terre, notre ontologie terrestre.
Pour les violents endurcis, la voie du juste châtiment me semble nécessaire. Il ne s’agit nullement de repentir par la souffrance, mais de rentrer dans une économie des joies et des peines qui conduira le violent à craindre les conséquences de son acte.
On ne peut compter sur la seule rectification morale et idéalistes des violents. Parce que la violence est sans doute inextricable et constitutive de la métaphysique du réel et de l’ontologie de l’existant, on doit prendre acte que les violents existent. Mais si ceux-ci craignent le prix de leur forfait, ils se tempéreront.
Si au contraire, ils doivent attendre une récompense pour un acte vertueux, cela sera souvent un aiguillon suffisant.
De la perspective de la victime, il convient de renforcer la capacité à se défendre. Les violents maitrisent souvent les techniques de violence. Il convient donc d’enseigner aux potentielles victimes des techniques de défense physiques, intellectuelle et affectives.
Comment ?
Il me semble que les techniques de défense doivent être particulièrement efficaces. On choisira donc des techniques violentes que l’on réorientera non vers l’agression mais vers la préservation du corps, de l’esprit et de l’âme.
Par exemple, les sports de combat les plus dévastateurs devraient être enseignés aux victimes potentielles afin que l’agression soit un risque pour le violent.
Mais se défendre juridiquement ou intellectuellement contre le mensonge et la manipulation mentale sont aussi importants.
De même il convient d’enseigner la défense contre les agressions ontologiques, et affectives, celles qui ont pour objet de mutiler affectivement la victime, voire de la transformer en agent violent

- La violence de la collectivité sur l’individu
Il semblera évident qu’une telle violence est l’une des pires qui soit.
C’est cette évidence que je voudrais questionner de la perspective de la collectivité violente.
Qu’est-ce qui rend une collectivité violente envers certains individus qui la composent ?
Il me semble qu’une foule (comme l’a très bien montré Gustave Lebon) peut être mue assez facilement à son insu.
Des individus pris séparément et raisonnablement sont incapables bien souvent de la cruauté qu’ils montrent en groupe.
Que se passe-t-il ?
Pourquoi et comment transforme-t-on une paisible personne en rouage sanguinaire et destructeur de la collectivité ?
Il me semble que ce point est particulièrement important, car les plus terribles violences sont sans doute accomplies de façon légales et à l’ombre de la collectivité.
L’expérience de Milgram montre très bien comment un individu obéissant et conformiste obéit facilement aux injonctions les plus sanguinaires.
Mais est-ce une caractéristique ontologique à l’être humain, présente en tous lieux et à toute époque qui conduit les foules déchainées à lapider le bouc émissaire ?
Pour Girard, le groupe se constitue justement ainsi, par la désignation du bouc émissaire. C’est son sang sacrificiel qui sera le ciment de la communauté.
J’ose une autre hypothèse.
Il me semble que c’est à dessein, volontairement, intentionnellement que les individus du groupes sont façonnés, éduqués de façon à se comporter envers les dominants institutionnalisés servilement et conformes en tous points aux autres moutons serviles de la collectivité.
Il y a moins ontologie que la fabrique par les puissants et le dominants d’un groupe malléable et corvéable à merci, qui abandonnera sur un signe tout esprit critique, toute velléité d’autonomie mentale et d’indépendance.
La violence ontologique qui fait des soldats et des aliénés est donc l’œuvre des violents qui détiennent le pouvoir et institutionnalisent la violence légale.
Le complot :
C’est le moment de fâcher mes lecteurs en osant une hypothèse conspirationniste.
C’est par conséquence que la violence du collectif s’exerce sur un individu.
La cause de cette violence si habillement dissimulée et qui peut être aisément activée et transformer un peuple paisible en horde sanguinaire, c’est l’existence d’un sous-groupe de violents exerçant le pouvoir et l’institutionnalisant. Les violents se cachent donc, invisibles derrière des milliers de porte flingues. Le peuple soumis et docile est donc l’extension de cette volonté violente qui provient d’un petit groupe qui doit se dissimuler (prétendre qu’il n’existe pas) ou se falsifier (quand il ne peut plus prétendre qu’il n’existe pas, il ment sur ses véritables motivations, et véritable tartuffe affirme agir au nom du bien), se victimiser (et prétendre ainsi être en droit de se défendre contre une offense fantasmagorique).
Il est très difficile de lutter contre cette violence originaire du groupe secret et violent, mais le développement du sens critique, du doute systémique, de l’autonomie affective et l’importance de l’interposition, la désobéissance civile, le non conformisme à un ordre injuste ou un comportement collectif monstrueux sont des chemins vers l’émancipation du groupe du parasite pervers qui le meut secrètement.
De la perspective de la victime du groupe violent, si celle-ci ne dispose pas de la possibilité de quitter ou éviter le groupe violent, la pratique de la dissimulation et du mensonge semble un recours parfaitement légitime quoi qu’illégal de la perspective du groupe violent secret et de son armée de soldats et surveillants.
L’entraide entre victimes (potentielles ou avérées), la constitution de groupes secrets ou très discrets est une possibilité intéressante.

- La violence de l’individu sur la collectivité
La violence de l’individu sur le groupe est forcément secrète ou falsifiée. Bien plus qu’un acte de sabotage envers les intérêts du groupe, elle consiste le plus souvent à prendre le contrôle du groupe, à s’associer avec d’autre violents et à fonder in fine ce dont j’ai parlé plus haut, à savoir un groupe violent secret et falsifié. Ce groupe qui prétend agir pour le bien du groupe le conduit en fait à sa perte, prend des décisions terribles pour les populations, mais sans jamais en assumer la responsabilité.
Si une décision est perçue par la population comme pouvant provenir du groupe secret violent, il est alors possible de faire dévier, glisser, détourner la vindicte populaire sur un bouc émissaire ou un groupe hostile fantasmagorique.
J’appelle groupe hostile fantasmagorique, un groupe innocent du crime qui lui est imputé et qui portera en lieu et place du groupe violent secret la responsabilité de la violence exercée par ce dernier sur la collectivité.
Au final, se défaire de cette violence, c’est se défaire du groupe violent secret ou falsifié. La collectivité peut s’émanciper dans le cadre de structures réellement démocratiques et émancipatrices. Il y a un grand danger quand dans un cadre insurrectionnel, une population défait le groupe violent qui l’opprime et le manipule : c’est qu’un second groupe violent et secret se serve de l’insurrection pour prendre le pouvoir en se prétendant représenter le groupe opprimé et s’institutionnalise en lieu et place de la population. Ce groupe violent de substitution devient alors le groupe violent secret insurrectionnel et parfois sa violence est pire que le groupe concurrent qu’il a contribué à destituer et évincer

- La violence de la collectivité sur la collectivité
La violence n’est en fait que rarement nativement celle d’un groupe sur un autre, mais l’émanation de 2 groupes concurrents secrets qui excitent les populations qui n’ont aucun motif de se détester à s’affronter pour des motifs qui ne sont pas ceux des populations mais bien des groupes secrets antagonistes. Il est terrifiant de constater avec quelle facilité la haine peut être créée dans un corps social – en quelques jours – et comment les dominés soumis vont s’entretuer allégrement pour les intérêts et profits des groupes violents secrets qu’ils servent.
Telle est la guerre. Elle n’est jamais la volonté spontanée des populations mais une création, une détestation et un antagonisme facilement allumés dans une population.
Ce qui est terrible, c’est que si le peuple souffre terriblement d’un groupe violent secret, il sera très malléable et perméable à chercher une cause extérieure à son tourment, étant dans l’incapacité de remettre en cause le pouvoir violent du groupe secret.
Il y a plus terrible encore. Parfois un groupe secret crée la violence entre deux populations extérieures, car celle-ci est compatible avec ses intérêts. Ce groupe particulièrement malfaisant ne cherche pas la victoire d’un groupe en soi mais le déchainement de violence.
Par exemple, dans une guerre, ce sont les techniques les plus violentes qui assurent la victoire et les marchands d’arme peuvent ainsi trouver avantage à tout affrontement guerrier qui ne les met pas en danger directement.
Par ailleurs, lorsque les groupes s’affrontent, les individus les plus violents sont très rapidement promus aux plus hautes fonctions. Ce peut être un bon moyen pour un individu violent de conquérir puis conserver le pouvoir. La guerre justifie toutes les mesures d’exception au nom de la « victoire finale » et peu à peu le peuple est dépouillé de tout et s’enfonce dans la servilité envers les violents.
La violence finit par s‘institutionnaliser dans tous les groupes impactés et elle demeure vivace bien après l’affrontement : plus le groupe est martyrisé par les violents invisibles qui le meurtrissent secrètement, plus la servilité va augmenter dans la population jusqu’ à un paroxysme que l’on nomme totalitarisme ou l’ensemble de la vie sociale est devenue violente et ou tout acte non violent est criminalisé.

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MessageSujet: Re: Modalités de l'action politique   Modalités de l'action politique Icon_minitimeSam 3 Déc - 17:20

Pensée

A l’occasion d’une promenade en forêt, ma fille me demanda : « qu’est-ce que l’intelligence ? »
Je réfléchis longtemps et finis par produire une longue et savante réponse qui me laissa complétement insatisfait.
Depuis, je réfléchis souvent sur cette question sans parvenir à une réponse correcte et définitive.
Ce n’est que très récemment que j’esquissais une corrélation entre intelligence et pouvoir.
Voici l’ébauche d’un cheminement intellectuel :

Pensée, individu et groupe.

Je me suis rendu compte dans un premier temps que selon le rapport que l’on a au groupe, l’intelligence sera plutôt perçue comme étant de nature individuelle ou collective :

Intelligence individuelle
Chez Nietzsche, l’intelligence est l’aveu d’une solitude. Le penseur est un solitaire, sur le modèle des prédateurs carnivores. Il a conquis cette hauteur ontologique ou il affronte la pensée, seul et courageux, intempestif et indifférent aux clameurs de la foule dans la vallée.
Cette position n’est pas éloignée d’un certain orgueil aristocratique : la pensée y est réservée à une élite de l’esprit.
Au contraire, toujours pour Nietzsche, la foule se complait dans l’instinct du troupeau, propre aux herbivores grégaires.
La foule ne pense pas (et cela rejoint les analyses de Gustave Lebon dans la psychologie des foules) ; elle répète, elle scande des éléments de langage, des dogmes, des mantras fabriqués à son usage par les dominants. En lieu et place de parole innovante, on a le mimétisme du perroquet.
Dans être et temps, Heidegger consacre une longue explication à la dictature du « on » qui tient lieu et place de la pensée singulière du Dasein. Lorsqu’ il se conforme au « on », l’individu ne pense plus. Il y a une telle terreur d’assumer le poids de l’existence personnelle, que l’individu va se conformer, imiter. Je crois que cette vision rejoint les analyses de psychologie sociale sur le conformisme. L’Humain est un animal grégaire ; se singulariser du groupe entraine une véritable terreur et la peur d’en être chassé, exclu. Alors cette violence sociale est intériorisée et l’individu se conforme.
Les tenants de l’anarchisme individualiste comme Stirner sont très proches de cette idée, de cette violence du groupe sur l’individu.
On pourrait multiplier les exemples. Platon par exemple dans sa critique de la doxa, l’opinion nous indique qu’il est nécessaire de se départir de la rumeur, de l’opinion commune véhiculée par le groupe pour accéder au monde des idées et à la vérité.

Intelligence collective
On a vu précédemment que les individualistes estiment que la pensée est d’essence intime, personnelle ; elle est l’aveu d’une singularité.

Mais il est possible de soutenir exactement l’inverse
Pour Cornélius Castoriadis, il existe au contraire une pensée collective qu’il nomme l’imaginaire social.
Lorsqu’il délibère en groupe, lorsqu’il pratique la conversation, l’Humain peut enfanter collectivement des solutions extraordinaires qui restent invisibles aux individus seuls.
Ce cerveau collectif ne peut rejaillir que dans des configurations sociales très particulières, délibératives et démocratiques ou la pensée n’est pas réprimée par ceux qui exercent le pouvoir.
Je pense que l’assemblée démocratique athénienne ou les salons français des lumières donnent de très belles illustrations de cet imaginaire social.
Quand la parole est verrouillée dans le groupe, quand quelques puissants en exercent le monopole et terrorisent les autres intervenants en les oppressant, il me semble que cet imaginaire social n’est plus disponible.
Les puissants ont toujours craint cette capacité des populations à se réunir et à produire des solutions originales et inédites. Il me semble que les ronds-points des gilets jaunes ont réellement produit des alternatives politiques très intéressantes comme le RIC et ont rapidement représenté un danger pour les pouvoirs institutionnels par leur capacité à s’assembler, à délibérer sur tous les sujets, bref à constituer des matrices d’assemblées constituantes.
On trouvera dans la condition moderne de Hannah Arendt une idée très intéressante inspirée du conseillisme : l’Humain est un animal laborans qui doit travailler pour survivre ; il est aussi un homo faber, un producteur d’œuvres culturelles ou techniques. Mais il est aussi et surtout un acteur politique et c’est la sans doute que s’exprime le mieux la liberté humaine, dans cette capacité proprement politique à s’assembler, à délibérer et à décider.
Dans l’anarchisme socialiste, comme chez Kropotkine, il y a cette défiance de l’individu esseulé, atomisé, véritable monade égoïste incapable d’entraide et d’intelligence gratuite, cet opérateur économique qui ne pense qu’à maximiser son profit et qui semble sans ressource dès lors qu’une solution collective est exigée.

Dépasser la dualité :
De façon un peu hégélienne, je voudrais proposer un dépassement de cette dualité, une forme de synthèse.
Sans qu’elle soit par essence individuelle ou collective, l’intelligence pourrait se manifester dans les deux registres
Une individualité intelligente conduirait à oser le courage de penser indépendamment ou même contre le groupe aliéné par le pouvoir et la violence symbolique. Il s’agirait alors de s’émanciper intellectuellement et secrètement, de constituer cette citadelle intérieure dont parlent les stoïciens et la suspension du jugement des sceptiques pyrrhoniens. La philosophie lorsqu’elle ne se transforme pas en sophisme peut être un outil incroyable d’affranchissement intellectuel, de « marronnage » de la pensée.
Au contraire, lorsqu’il se constitue en assemblée de discussion, de délibération et de décision démocratique, le groupe devient la matrice et la source de la pensée collective, de l’intelligence sociale.
Je pense que l’intelligence individuelle et celle collective loin de s’opposer sont les deux aspects d’une même réalité.
Les assemblées délibératives sont constituées de belles singularités. Castoriadis nous renseigne : les groupes autonomes sont constitués d’individus autonomes. Les serviles ou les violents de supportent pas l’art divin de la conversation : ils cherchent à tout transformer en rapport de pouvoir.

Au contraire, dans les groupes hétéronomes, les individus autonomes, libres intérieurement et intellectuellement ne sont pas tolérés. Ils sont discriminés, toute forme de différence intellectuelle, d’autonomie mentale y est criminalisée, chassée, traquée, même sous les dehors d’une apparente démocratie.
Le groupe et l’individu hétéronomes ne supportent pas l’altérité d’une pensée différente. Ils n’ont pas les ressources intellectuelles pour accepter que l’on ne soit pas de leur avis sans changer le leur ou tacher d’infléchir notre jugement. Raymond Aron nous explique que l’essence de la démocratie résulte dans organisation apaisée de la différence et du conflit.
Parce qu’il s’autorise à penser par lui-même, l’esprit autonome accepte parfaitement que l’on ne soit pas de son avis. Il voit dans cette différence une source de richesse et non pas un obstacle. L’assemblée autonome est toujours plurielle, somme d’individualités et de singularités, parcourue de multiples courants. Car celui qui pense différemment n’y est pas perçu comme un ennemi ou un délinquant à enfermer ou un malade mental à soigner. L’altérité est constitutive de l’assemblée intelligente car toute prise de décision y est dialectique.

Voilà, je pense avoir triomphé de l’opposition factice entre pensée individuelle et pensée collective.
Voici donc mon postulat :

L’essence de la pensée repose dans l’exercice du pouvoir.

Je voudrais montrer que dans un groupe violent, la pensée recule et l’intelligence s’étiole.
Si comme je l’ai montré, l’intelligence est liée à la capacité de délibérer et de prendre des décisions individuelles ou collectives, dans les structures violentes, les individus se contentent d’obéir aux injonctions du pouvoir. Ils sont tout le temps épiés et tout acte de désobéissance autonome est sanctionné.
L’intelligence en acte devient criminelle. L’individu devient un outil, un rouage de la grande machine du pouvoir. Dans ces structures hétéronomes, l’intelligence ne s’exerce plus, elle se nécrose : les gens deviennent stupides tout en se croyant brillant. Ils répètent, ils scandent, ils sont heureux et validés de faire et de penser comme tous. Le réflexe fulgurant et instantané de l’obéissance automatique a remplacé la longue maturation de la décision et de la délibération en acte.
L’unanimité de l’opinion y est perçue comme une forme de validation sociale de conformité au Bien et au Vrai. Les antagonismes sont proscrits, parfois sous les apparences orwellliennes de la démocratie et de la pluralité factice d’opinions.
Les « derniers de Hommes » pour reprendre l’expression de Nietzsche sont heureux d’être d’accord et de fonctionner à l’unanimité. Ce sont des imbéciles heureux, souvent considérés socialement comme brillants intellectuellement à la mesure de leur servilité d’esprit et de leur hétéronomie de pensée.

Au contraire, les organisations réellement démocratiques vont solliciter l’intelligence des individus en permanence, en associant les membres du groupe à un grand nombre de délibérations et de décisions. Ces groupes vont devenir très intelligents, collectivement et individuellement car l’intelligence n’est plus une catégorie à priori des droits mais un exercice concret et réitéré pour tous et toutes. La pensée finit par s’enhardir et de magnifiques singularités s’expriment qui sont validées par le groupe, non pas selon leur conformité mais en regard de leur audace et de leur différence. Les décisions sont lentes à être prises, mais quand elles le sont, elles sont bien plus pertinentes que les décrets de quelques experts coupés des réalités. Les antagonismes y sont perçus comme une chance, l’imagination, l’innovation et la créativité se multiplient. Les marginaux ne sont plus réprimés.

Quelques petites questions impertinentes pour mon lecteur pour finir ce texte :

Combien ai-je réellement pris de décisions aujourd’hui ? A combien de choix et de délibérations ai-je été associé ? Suis-je dans un groupe autonome ou hétéronome ? Ai-je un usage fréquent de ma raison raisonnante en acte ?
Je crois que ces petites interrogations si elles étaient répétées tous les jours pourraient devenir l’ébauche d’une discipline de vie : ne tenez pour vrai que ce que vous avez pu juger à l’aune de votre proche intelligence ; associez-vous dans des groupes autonomes chaque fois que vous le pouvez : les violents et les serviles les fuient comme la peste.

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MessageSujet: Re: Modalités de l'action politique   Modalités de l'action politique Icon_minitimeMer 21 Déc - 20:06

L’art de la conversation

Ce petit texte va aborder une pratique que je mets en œuvre dans mon existence depuis plusieurs années : l’art de la conversation. Je tenterai de montrer que cette pratique, qui peut sembler anecdotique est prépondérante voire indispensable en démocratie.

Quelques propos préliminaires :
Depuis de nombreuses années, je constate que certaines discussions en groupe me laissent –pour des motifs divers – complétement insatisfaits.
Au contraire, je remarquai que dans d’autres discussions que j’appellerai conversations, quelque chose de rare et de beau était survenu, que j’avais du mal à expliquer.
Toute ma pratique a donc été de favoriser les groupes, les personnes, les techniques qui rendaient ces belles conversations possibles.
Ainsi est née ma réflexion sur l’art de la conversation.
Trop souvent lorsque nous nous réunissons, par exemple lors d’une réunion informelle ou d’un repas de fête, on est déçu par la qualité des échanges. Très top, j’essayais de caractériser les causes de la défaillance de la discussion :

La discussion monopolisante :
Dans cette forme de discussion, loin de l’Isegoria (l’égalité du temps de parole pratiquée dans la démocratie athénienne), la parole est happée, captée, monopolisée par des détenteurs du pouvoir linguistique. On se retrouve avec un groupe nombreux et bienveillant, mais ceux qui ont le droit de s’exprimer sont une minorité, parfois une seule personne. Au cours de ces discussions (qu’elles soient professionnelles ou amicales), j’observais que ceux qui s’exprimaient et distribuaient la parole étaient les détenteurs –explicite ou tacite – du pouvoir.
Les dominants exerçaient également le pouvoir discursif.
Ces discussions étaient très frustrantes : la parole lorsqu’elle n’est pas distribuée appauvrit l’intelligence des participants. On assiste à un spectacle du pouvoir, dont on sait depuis Feuerbach et Guy Debord qu’il est le pouvoir lui-même.
Ceux qui exercent le pouvoir discursif se mettent en scène et rivalisent parfois pour l’autorité discursive.
Très vite, la joute verbale confine avec un duel d’egos. Les propos échangés deviennent triviaux, banals, ridicules, une péroraison des puissants tout à leur gloire, un spectacle de vanité ridicule et bouffi d’orgueil.
Des propos parfois stupides sont proférés comme s’ils étaient des maximes sublimes et dans l’assentiment ou le silence général. Les avis pertinents ne sont pas exprimés.
On est dans la pure violence du logos. Des participants qui avaient des choses passionnantes à dire, à échanger sont réduits à l’état de spectateurs.
Les dominants, non contrariés et entravés dans leur gigantesque hubrys verbal se changent en choses bouffies d’orgueil et de vanité. On ne peut qu’acquiescer ou se taire. Toute participation à la discussion qui pourrait transformer le spectacle des vanités en échange sera violemment réprimée, châtié. Qui est cet importun qui ose nous contrarier ou nous pondérer ? Il doit être châtié, ridiculisé, remis à sa position ontologique de témoin, spectateur.
Mon conseil : il ne faut pas disputer aux orgueilleux leur public. Ils se transformeraient alors en fauve à qui on dispute un os. Comme au zoo, je conseille d’observer avec gourmandise le spectacle de la vanité, de l’orgueil et de la bêtise. Les puissants sont alors ridicules, comme le sont les dictateurs d’opérette qui éructent devant le micro. Il n’est alors pas interdit de rire sous cape.

La discussion polémique :
Elle est une variante intéressante du logos violent.
Dans la discussion polémique, on est comme devant un débat télévisé entre Mélenchon et Zemmour.
Les participants échangent mais de façon complétement agonistique et caricaturale. Le but n’est pas comme dans les dialogues socratiques de cheminer vers la vérité, mais de s’échauffer le sang, de marquer des touches, de défaire un contradicteur.
Comme le disait Bourdieu dans sa merveilleuse réflexion sur la télévision, certains débats sont comme un match de catch dans la boue.
Les contradicteurs s’ancrent dans leur position. Ils perdent toute mesure, tout sens critique et se postillonnent au visage. Ils se changent en zélotes, en fanatiques, en missionnaires et ne sont plus capables d’écouter la contradiction. Assez fréquemment, la polémique se change en dispute et les arguments « ad hominem » fusent, puis malheureusement les insultes et les portes claques ou dans les cas pathologiques la violence et l’antagonisme peuvent devenir physique.
Les causes d’une polémique peuvent être variées. Une discussion monopolisante peut dégénérer en polémique dès lors que deux dominants se disputent la domination verbale ou qu’un spectateur tente de devenir un acteur de la discussion, statut qui lui est rarement accordé, chacun devant savoir quelle est sa place dans la vie.
Ce peut être aussi un fanatique (athée ou croyant) qui veut enfoncer son dogme dans le crâne des mécréants.
Ce peut être aussi des personnes soumis à un matraquage médiatique intense, propagandés jusqu’ à l’os et à qui on discute de la parole officielle : ils se changent alors en chiens hargneux et se mettent à aboyer dès qu’ils reniflent un parfum de dissidence et de sens critique. Les insultes fusent alors comme autant de lapidations sur les dissidents, les hérétiques.
Mon conseil une fois encore est d’éviter les personnes trop colériques ou fanatisés, manquant d’humour ou de sens critique. Toute discussion risque de finir en bucher et en autodafé dès lors qu’on ne communie pas devant la vérité d’évangile. Par une espèce d’inversion accusatoire, les petits inquisiteurs vous accusent de manquer de tolérance et les fanatiques d’être dénués de sens critique.
Les plus vicieux des polémistes jouissent à batailler et à s’énerver. Ils vous lanceront des petites piques, sorte de crochets pour vous attirer dans le marigot de la polémique et de la violence. Sachez ne pas mordre à l’hameçon. Rester paisible et silencieux est parfois un triomphe
Voilà, j’ai donné deux exemples de discussion violente et défaillante. On aurait pu aussi parler des bavardages insignifiants, des mondanités toxiques ou des discussions sans empathie


J’ai montré je pense ce que n’était pas une conversation. Je souhaite maintenant par contraposée parler de conversation.
Si je reprends les exemples que j’ai donné, une conversation sera en premier lieu le contraire d’une discussion monopolisante. Dans une vraie conversation, tous les locuteurs sont respectés et peuvent s’exprimer librement. Tout avis est jugé à priori suffisamment éclairé pour être émis et nul n’est jugé sur ses opinions. Personne ne monopolise la parole. Chaque avis est recevable et doit enrichir le fil, la trame de la conversation.
De même, la conversation est par essence non polémique. Elle est un usage démocratique de la discussion.
Je pratique l’art de la conversation depuis de nombreuses années et les bienfaits sont extraordinaires.
Dans la conversation, tout comme dans les assemblées conseillistes de Annah Arendt ou Rosa Luxembourg, on a une communauté de pluralités, une diversité d’opinions, une pluralité.
Dans la conversation, le cerveau collectif s’éveille, ce fameux imaginaire social dont parle Castoriadis et des idées originales et variées émergent naturellement. L’intelligence des participants, leur sens critique, leur tolérance sont la trame de la conversation.
Les salons des lumières ou les ateliers maçonniques sont des exemples d’espace de conversation. Le laboratoire des « cervelles qui se frictionnent» produit des étincelles et des idées géniales et bienveillantes. Combien d’innovations fabuleuses, d’idées fulgurantes et lumineuses ont-elles été suscités dans ces athanors discursifs.
Le système éducatif français privilégie le discours magistral ou la disputatio médiévale. On habitue les jeunes à se taire ou à polémiquer ; ils n’exercent pas la raison raisonnante et deviennent des suiveurs, des automates, des perroquets. On est très loin de la réalité démocratique.
Je crois que la démocratie est essentiellement l’extension de la conversation à une ou plusieurs communautés humaines.
Tout l’univers médiatique est saturé de spectacles et de buzz binaires et manichéens. On commente la vie politique ; on écoute avidement et religieusement les vociférations des experts, des politiques et des journalistes. Les gens ne savent pas ce que converser veut dire. On fabrique des chiens dociles à obéir et à mordre sur commande. On intériorise cette société du spectacle, cette polémocratie et les gens n’osent plus penser.
Dans le monde du travail, le modèle pyramidal anglo-saxon a triomphé dans nos pays. Les décisions sont prises très rapidement par de grands managers sans associer les agents de terrain pourtant au fait des réalités opérationnelles qui enrichiraient la prise de décision. Les décideurs, les surveillants et les exécutants forment un tryptique sado masochiste d’une absurdité totale sur le modèle : je décide, tu surveilles, ils exécutent
A ce modèle, on peut opposer le management nipo rhénan circulaire : les décisions sont longues à prendre car elles associent toutes les parties prenantes : ce sont de vrais conversations corporatistes et les innovations sont fréquentes, de même que la prise en compte d’évidence concrètes qui n’apparaissent que difficilement au 77ème étage d’une tour, quand les ouvriers en bas ressemblent à des fourmis dans les tableaux de bord et indicateurs des directeurs.

Voila, je pense avoir montré que l’art de la conversation est l’usage démocratique de la parole et sans doute la matrice des vrais organisations démocratiques.
Profitez bien de vos fêtes et lorsque votre grand-oncle aura une saillie raciste à la fin du repas, ne vous énervez pas et restez vous-même : la vraie intelligence n’est pas de choquer ou convaincre mais d’accepter la diversité des opinions sans renoncer aux siennes.
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