Phalaris Numa

Theodoros le dragon était jadis parmi les plus sages de sa race. Beaucoup écoutaient sa parole et respectaient ses choix. Il est dit que Theodoros connaissait les arcanes de la sorcellerie mieux que quiconque et que sa science des mondes invisibles et des choses cachées n’avait pas de limite.

Mais si le savoir est source de puissance, il est aussi source d’hubris…

Lorsqu’après bien des millénaires, Theodoros sentit que ses forces l’abandonnaient, il ne put se résoudre à accepter le sort réservé à toutes créatures mortelles. Comment lui, le grand Theodoros, sage parmi les sages, roi des rois, ami des dieux, détenteurs des 7 clefs de la cité d’orichalque, porteur de la tiare de sapience, gardien des portes, dragon d’or…comment lui donc pouvait-il se soumettre au souffle de la mort.

Alors Theodoros se tourna vers Sigyn. Il implora la déesse cachée afin que celle-ci lui accorde la seule chose qui lui échappait : l’immortalité. Theodoros était le fils préféré de Celle qui est dissimulée, aussi la déesse accepta sa requête. Mais même la toute puissante Sigyn ne pouvait accorder ce don.

Sigyn s’en fut trouver Loa et Minos. Elle en appela aux liens éternels qui les unissaient autant qu’à leur haine de El. Loa hésita mais Sigyn lui fit valoir que Theodoros devenu immortel veillerait sur sa sécurité à chaque crépuscule et empêcherait El de freiner son ascension. Minos hésita plus encore car, dit-il, il appartenait à chaque créature mortelle, du dragon d’or au lombric, de connaître le trépas et d’être jugé…mais la déesse cachée se montra plus persuasive, affirmant que Theodoros protégerait la balance du jugement et empêcherait les autres dieux d’interférer dans les sentences du dieu de la mort. Alors, Loa et Minos cédèrent.

Sigyn, Loa et Minos escortèrent Theodoros auprès du Bassin Primordial, au cœur des Jardins de l’Infini. C’est de ce Bassin, murmuraient les dieux avec respect et crainte, que l’Unique avait extirpé de Lui-même l’étincelle de la Création. Mais Eyn Sof veillait sur le Bassin, interdisant à toute créature d’approcher la demeure de l’Unique. Pour tromper la vigilance Eyn Sof, Sigyn couvrit ses compagnons du voile de la tromperie qui rend toutes choses invisibles ; Loa chanta la mélopée onirique qui plonge toutes choses dans le sommeil ; Et Minos souffla le vent du Néant qui annihile l’essence de toutes choses…Si bien que même Eyn Sof ne put les remarquer.

Ils avancèrent ainsi jusqu’au Saint des Saints, au cœur des Jardins de l’Infini.

Sigyn s’adressa à Theodoros : « Et maintenant mon enfant préféré, fais face à ton destin. Car celui qui plongera dans le Bassin Primordial en ressortira semblable à un dieu. Et tu règneras, à mes côtés sur les choses cachées et les mondes invisibles ».

Et Theodoros fit face à son destin, s’immergeant dans l’océan des origines.

Brusquement saisis de remords et d’horreurs devant le sacrilège qu’ils avaient accompli, Sigyn, Loa et Minos versèrent une larme de repentir dans le bassin et reculèrent, plein d’effroi.

« Qu’avons-nous fait ! » se lamentèrent-ils en se griffant le visage.

Et tandis qu’ils pleuraient, quelque-chose sortit du Bassin. Mais ce qui avait été jadis Theodoros ne l’était plus. Un grand fracas se fit entendre dans l’Univers tandis qu’une voix proclamait :

« Soyez maudits vous qui avez violé mon Sanctuaire. Car il est bien mort celui que vous appeliez Theodoros, sage parmi les sages, roi des rois, ami des dieux, détenteurs des 7 clefs de la cité d’orichalque, porteur de la tiare de sapience, gardien des portes et dragon d’or. Et voyez ce que vous avez engendré. »

Et des remous du Bassin Primordial, un dragon liche s’extirpa.



La voix de l'Unique poursuivit :
« Le voici Sesstr’is le Sombre, Première des Calamités, Prince des Tyrans, Souverain du Mensonge, Porteur du Sceptre de Corruption, Fléau des Orgueilleux et dragon de putréfaction. Voici votre œuvre et votre châtiment. »

Sesstr’is était accompagné de trois divinités nées des larmes versées dans Bassin Primordial. En lieu et place de Sigyn, Apaté la Mesquine. De la larme de Loa, était apparue la terrifiante Mara. Enfin, face à Minos, se tenait Ah Puch le Putréfacteur.

Et il est dit que Sesstr’is le Sombre enfanta et que de son sang maudit naquirent des rois sorciers qui élevèrent des empires, aujourd’hui oubliés, et firent des prodiges, devenus légendes…mais nulle couronne ici-bas, nulle merveille de ce monde ne pouvaient les consoler du sort infligé à leur père. Aussi jurèrent-ils, générations après générations, éons après éons, qu’ils retrouveraient le chemin qui mène au Bassin Primordial et que Theodoros en ressortirait, glorieux…et immortel.

En attendant la suite des aventures de Phalaris, une petite sélection de musiques qui collent bien aux Numa.

Dans l’entrelacs chaotique de coursives, d’escaliers et de galeries, Phalaris semblait à son aise. Et de fait, depuis son plus jeune âge, on lui avait appris à se repérer dans cet enchevêtrement de dentelle de marbre et de cristal. Il savait éviter les pièges et les impasses et ne se laissait pas tromper par les effets de miroirs ou les fausses perspectives. Il connaissait parfaitement ce labyrinthe démentiel conçu par ses ancêtres et qui plongeait dans les entrailles du palais des NUMA. Après une longue déambulation, il atteignit afin la porte du sanctuaire. Sur ses panneaux de bronze, les torchères d’albâtre éclairaient des bas-reliefs représentant les origines mythologiques de la dynastie. En son centre, elle était scellée par une formidable sculpture d’or moiré représentant un dragon. Les améthystes qui enchâssaient ses orbites donnait vie à la créature si bien qu’on eût dit qu’elle était sur le point de s’éveiller. Phalaris prononça l’incantation rituelle : comme vivant, le dragon s’enroula sur lui-même et sans un bruit, les panneaux coulissèrent.

Les effluves chaudes et parfumées en provenance du sanctuaire enveloppèrent Phalaris telles des serpents. Bien que familier avec les lieux, le jeune homme ressentait la même émotion à chaque fois qu’il y pénétrait. La salle en forme de décagone présentait des proportions monumentales. De part et d’autre, aux angles du sanctuaire, 10 statues cyclopéennes toisaient les visiteurs. A droite, des effigies d’or représentant la Sagesse, le Courage, la Douceur, la Vérité et l’Altruisme. Dans leurs mains reposaient des vasques colossales dont s’écoulaient des cascades d'or liquide. A gauche, les allégories de l’Orgueil, de la Colère, du Mensonge, de l’Impatience et de la Cruauté sculptées dans l’onyx portaient des vasques emplies d’une mélasse noirâtre et épaisse. Les liquides circulaient dans le sanctuaire au moyen d’un réseau de canaux et venaient se répandre dans un bassin circulaire gigantesque creusé au centre du sanctuaire. L’or et l’ichor se mêlaient ainsi en une substance huileuse d’une couleur indicible et à surface de laquelle scintillaient mille nuances. Selon les croyances des Numa, ce bassin était un portail vers un autre monde où leur Père, Roi Sorcier des Dragons, attendait depuis des millénaires de retrouver le chemin de l’Océan des Origines pour prendre sa revanche. Comme veillant sur un sépulcre, trois statues à double face avaient été élevées autour du bassin. La première représentait d’un côté Sigyn, dont le voile de marbre dissimulant le visage paraissait si léger qu’il semblait que la brise eut pu le soulever ; de l’autre Apaté la fourbe dissimulait une dague dans la manche de sa tunique. Si Loa était couronnée d’un croissant de Lune, Mara tenait le cœur d’un ennemi dans sa main. Et tandis que Minos portait dans sa main droite la balance du jugement, le visage putréfié d’Ah Puch braquait ses orbites creuses sur les visiteurs.


Après les sept prosternations rituelles, Phalaris s’agenouilla et entama sa méditation. Autour de lui, il entendait la douce mélodie des cymbales, des cithares et des flutes jouée par les vestales. Pour les accompagner, d’autres vierges dansaient nuits et jours telles des Apsaras autour du bassin. Pieds nus, des clochettes aux chevilles, elles exécutaient des mouvements complexes tandis que des serpents parmi les plus dangereux se lovaient autour de leur cou et de leurs poignets. Les NUMA prolongeaient artificiellement leur pureté au moyen de drogues magiques si bien que certaines pouvaient atteindre l’âge vénérable de trente ans…mais la nature finissait toujours par reprendre ses droits et lorsque les vestales connaissaient enfin leurs premières menstrues, elles quittaient le service du sanctuaire. Elles s’enfonçaient alors dans le bouillonnant bassin pour rejoindre Theodoros / Sesstr’iss dans sa cité de gloire où elles le vénéraient pour l’éternité. Bientôt, aux instrument se joignit la mélopée envoutante et lancinante des eunuques. Leurs prières montaient jusque dans l’immense coupole du sanctuaire.
(A suivre…)

[suite]
Bientôt, aux instrument se joignit la mélopée envoutante et lancinante des eunuques. Leurs prières montaient jusque sous l’immense coupole du sanctuaire. Une litanie perpétuelle de psalmodies et de mantras qui racontaient la vie du Dragon, la jalousie de ses ennemis, sa chute et son triomphe à venir. Sous la voute, l'écho des prières roulaient en un murmure sépulcral. Phalaris n'avait pas besoin de lever les yeux pour admirer la fresque qui ornait la coupole. On y voyait l'Apothéose (rien à voir avec les transcendés) de Theodoros / Sesstr ‘iss. Il n'était ni d'or, ni d'argent ; ni d'orichalque, ni d'adamante ; ni d'os, ni de chairs putréfiées. Il n'était rien de tout cela et tout cela à la fois. Son corps titanesque était recouvert d'une multitude de gemmes et de cristaux de toutes les nuances imaginables. De sa queue, il balayait les étoiles et écrasait entre ses puissantes serres les divinités qui l'avaient trahi. L'Océan des Origines bouillonnait tout autour de lui, tandis que de son souffle il en partageait les eaux primordiales. Associé à son triomphe, Sigyn, Loa et Minos déposaient un diadème sur son front.

Le jeune homme tentait d'entrer en communion avec le Dragon. Mais les récents événements occupaient son esprit et troublaient sa méditation. Sitôt l'épisode des catacombes terminé, il avait pris la décision de parler à son oncle. Mais on lui avait fait dire qu’Hippias Numa était absent et qu’il ne serait pas de retour avant plusieurs semaines. Tout ce que Phalaris avait appris ne pouvait être que mensonges et calomnies. Depuis des millénaires, les ennemis des Numa étaient nombreux et la vieille dynastie déclinante avait appris à se défier de tous.

Cet Etienne, agitateur dangereux et agent du pire ennemi de Theodoros avait été le premier à semer le trouble...mais le néant l'avait englouti, lui, ses mensonges et ses écrits. Le règne de la quantité constituait le pire des despotismes et le nombre était un tyran stupide que les flatteurs habiles pouvaient facilement amener au tombeau. Abelard n'était un "pas grand-chose", qui plus est entièrement dévoué, consciemment ou non, aux marionnettistes. Mais il était un rempart contre le désordre...

Puis ce fut, cette magicienne Shee qui avait accusé son oncle de l'impensable. Mais qu'étaient donc les sangs d'argent si ce n'est des envieux et des perfides.

Enfin ce Loriol. Si c’était bien le Fetch libéré qui s’est présenté à eux…car il aurait pu s’agir tout aussi bien d’un de ces marionnettistes, adeptes de l’illusion ou d’un mage noir.

Non ! Phalaris ne pouvait accorder le moindre crédit aux mensonges que ces créatures avaient proférés contre le patriarche des Numa. Certes Hippias était exigeant, intransigeant et pouvait parfois se montrer cruel. Mais qui aurait pu l’en blâmer. Il avait la lourde tâche de mener sa famille, de conserver son dépôt de croyances et de savoir intacts, et de préparer, comme ceux qui l’avaient précédé, la revanche triomphale de leur Père. Les sentiments que Phalaris nourrissait pour son oncle étaient contradictoires : peur, dévotion, crainte, respect…mais les accusations qui avaient été proférées contre lui, cette histoire invraisemblable de Fetch et de faux souvenirs, ne pouvait être que mensonges.

Quant à ce qu'il avait entrevu dans les catacombes… Il avait préféré garder cette information pour lui tant elle lui paraissait à la fois dangereuse et invraisemblable. Certes, les Numa pouvaient se servir de sorcellerie noire…à l’occasion…comme on se sert d’un outil. Certes, la famille avait soutenu discrètement la guerre menée par Volond, y voyant un facteur de discorde qui accélérait l’émergence d’un ordre nouveau plus favorable à ses intérêts. Mais de là à ce que le patriarche des Numa se compromette dans une secte d’adorateur de l’Ombre…pourtant, cette bague qu’il avait entraperçue. Non ! Cela ne pouvait être. Encore une illusion de ces maudits marionnettistes.

Pendant quelques secondes, l’esprit et la santé mentale de Phalaris vacillèrent. Et si tout son monde n’était que mensonges…il se rattrapa à l’écho d’une litanie pour éviter de sombrer. Puis, maitrisant sa respiration, il sentit la sérénité revenir en lui. Il devait se focaliser sur ses victoires : la faveur auprès d’Abelard et qui permettrait aux Numa d’espionner le trône au plus près ; son mariage avec une princesse apparentée au Trône de Glace et qui renforcerait son réseau d’influence. Autant de gains sur un immense échiquier d’intrigues dont son oncle lui saurait gré.

Comme un rappel à son devoir, il sentit le cartouche de plomb terni irradié de froid dans la poche de sa tunique. Hippias Numa n’était pas connu pour sa patience ; Phalaris devait avancer dans son enquête et avancer vite. Ainsi, il pourrait présenter ses premières conclusions au Patriarche qui, sans nul doute, le féliciterait et le récompenserait. Comme malgré lui, Phalaris poussa un soupir de soulagement. Oui, c’est ainsi qu’il procéderait et tout rentrerait dans l’ordre. L’angoisse qui étreignait son âme s’évanouit, bientôt remplacée par une douce insouciance.

Le souffle chaud du désert lui balayait le visage. Depuis la grande terrasse du palais royal, Phalaris regardait vers l’horizon. Cinq longues années s’étaient écoulées depuis ce jour de ténèbres où ils avaient affronté Volond. Aussi intenses que furent ces événements, il semblait parfois à Phalaris qu’ils s’effaçaient de sa mémoire…comme si tout cela, et ce qui avait suivi, n’était qu’un songe. La chute du mage noir, la rédemption d’Hippias, le retour des Numa dans la Vallée des Rois…tout cela lui paraissait presque intangible. Il avait parfois la sensation que l’antique royaume qui était sorti des sables se tenait à la frontière de la réalité ; à l’orée du temps ; en bordure de l’espace.

Comme dans un conte, la vieille citadelle des Numa s’était volatilisée de Villon pour réapparaitre parmi les temples et les palais antiques. Entouré des siens, Phalaris avait maintenu les traditions de la famille à l’exception de quelques dérives qu’il jugeait regrettables. Ainsi, les unions entre frères et sœurs avaient été proscrites. De même, le sacrifice des vestales qui servaient nuit et jour dans le sanctuaire de Theodoros avait été aboli. Pour nourrir leur dieu, les Numa capturaient désormais des gazelles immaculées du désert qu’ils offraient en holocauste à « Celui qui reviendra ». Quant aux esclaves, Phalaris leur avait donné une seule et unique chance de choisir la liberté. Mais seule une poignée d’entre eux avait opté pour cette voix. Il n’y avait que les philosophes trop bien nourris pour croire que la prostitution dans les taudis crasseux de Villon ou le travail jusqu’à épuisement dans les manufactures infernales de Dasein étaient préférables au joug d’un maître bienveillant. Pour récompenser cette fidélité, Phalaris avait proclamé des édits interdisant les pratiques barbares à leur encontre.

Depuis lors, les Numa vivaient une vie retirée du monde, protégés par les tempêtes de sable qui sans cesse dressaient un mur infranchissable entre la vallée et le reste d’Oecumène. Pourtant Phalaris savait que cette protection ne suffirait pas. Certaines nuits, il sentait presque physiquement le regard inquisiteur des transcendés parcourant le monde afin de les retrouver…ou plutôt de le retrouver. Car Phalaris connaissait l’objet de leur obsession : le livre des morts. Ce dernier reposait sur son pilier de basalte dans le saint des saints du sanctuaire, sous la protection du Dragon d’Orichalque dont la statue colossale resplendissait dans les nuages d’encens. De part et d’autres, le pilier de jade et celui d’adamante attendaient que Phalaris y dépose de Draconomicon et l’Astronomicon.

Phalaris soupira…il chérissait sa douce retraite et son existence quasi onirique. Mais il devait se remettre en marche. Il devait achever sa quête. Sans quoi, les transcendés détruiraient tout ce qu’il avait construit.

Corps : 2
Esprit : 14
Combat : 5
Ame : 16

Descendant des rois sorciers draconiques (Theodoros / Sesstr’is) :
-Magie des reflets (Sigyn / Apaté) : se déplacer ou espionner au travers des reflets, communiquer avec des entités d’autres sphères via des miroirs, etc.
-Psychomancie (Minos /Ah Puch) : convoquer et dominer les âmes des défunts, nécromancie de renseignement, lire l’empreinte spirituelle des objets ou des lieux, simulacre de vie sur des morts, flétrissure, toucher de mort, etc.
-Oniromancie (Loa / Mara) : interpréter les rêves, connaître et influer les rêves d’autrui, voyager dans les contrées du rêve, etc.
-Chronomancie (Magie du temps)
-Magie Dimensionnelle
-Magie Draconique

Aristocrate (Manipulation)
Alchimiste (Poisons)
Initiative : 5
Attaque / défense : 7
Points de vie : 7
Points de volonté : 14
Points de magie : 18 (sortilège maxi à 9)
Ombre : 0

Soif de Vengeance
Sentiment d'injustice
Goût pour l’intrigue
Avide de savoirs
Collectionneurs (artefacts, reliques, etc.)
En quête des Traditions perdues
Phobie du temps qui passe
Rapport distendue avec la réalité