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 Essence de la technique

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MessageSujet: Essence de la technique    Essence de la technique      Icon_minitimeDim 22 Nov - 18:34

Essence de la technique

La question de la technique est devenue pour moi une quête presque philosophale depuis de nombreuses années.
Il y a 10 ans, j’étais plein de certitudes. Le sujet ne me paraissait ni très intéressant ni très instructif.
Le premier, Jacques Ellul m’a « réveillé de mon sommeil dogmatique ».
La lecture de « La technique, l’enjeu du siècle » a été un séisme, un foudroiement.
Depuis, j’ai lu les plus grands auteurs qui ont traité de ce sujet : Heidegger bien sur, mais aussi ces disciples, et en particulier Hans Ionas et Gunther Anders, ainsi que de nombreux autres Guénon, Bernanos, Besnier, Sadin, Rousseau, Stiegler.
Récemment, je suis revenu à Jacques Ellul et à l’impression que nul n’était allé aussi loin que lui sur le sujet de la technique.
J’ai aussi créé deux jeux traitant de la technique : Aion et Singularité.
Longtemps aussi, je méditais sur ce sujet désireux de produire un apport personnel à cette question passionnante.
Disons le clairement : je n’ai pas réussi et c’est un peu par boutade que j’ai titré ce texte « Essence de la technique ».
La question de la technique se heurte généralement dans la doxa à deux réserves :
La première est une réserve morale. Ceux qui interrogent l’essence de la technique sont parfois taxés de technosceptiques voire de technophobiaques.
La première acception ne me gêne pas particulièrement. Je suis un authentique pyrronien, je pratique l’epoche comme une hygiène de vie, donc pourquoi pas ?
La seconde acception, celle qui consiste à traiter de phobiaques ceux qui sont critiques me fait doucement sourire.
Car si on entend la critique de façon Kantienne comme l’examen des limites de validité d’un concept, il n’ y a rien de phobiaque la dedans à moins de considérer la Critique de la raison pure comme un violent brulot raciste.
Non, cette accusation est souvent l’œuvre de techno croyants, de nouveaux dévots d’une religion de la puissance pure que l’on nomme transhumanisme. Ceux la, comme les antiques dévots opposés aux lumières ne supportent pas qu’on dise du mal de leur dieu : La Machine.
Ainsi par une inversion Hégélienne de l’histoire les positivistes sont devenus les nouveaux obscurantistes d’une religion en cours d’élaboration.
Cette religion sera la religion pure de la puissance technique, car il est tout à fait normal qu’un règne technique génère une religion technique. La puissance ne se cache plus derrière des oripeaux.
Nous pourrons comme le Docteur Laurent Alexandre s’adressant à un auditoire médusé affirmer « vous serez comme des dieux » reprenant les paroles bibliques du serpent s’adressant à Eve.
Nous pourrons aussi comme Harari affirmer dans Homo Deus (qui ne cache pas jusqu’ à son titre son intention luciférienne) que la technique en nous délivrant de la mort, de la souffrance et de la finitude nous rendra immortels, bienheureux et tout puissants.
Lully déjà devant le spectacle du Roi qui danse affirmait « ou voit-on de semblables Dieux ? »
Une nouvelle élite versaillaise pointe le jour séparée du commun des mortels non par des grilles dorées mais par un mur ontologique : transhumanisme.
Sans doute pour faire fonctionner la Grande Machine, 80% de l’humanité est superflue, mais que ferons-nous de cette masse surnuméraire : l’hollocauste a mauvaise presse auprès des techno progressistes productivistes, sans doute faudra-t-il nous parquer dans des secteurs insalubres ou abreuvés d’écrans nous attendrons hébétés et hallucinés le moment où on nous débranchera : game over.
Je m’aperçois que je n’ai pas encore commencé mon texte.
Il me faudrait milles pages pour ébaucher ce que les mots peuvent à peine concevoir, une intuition Bergsonienne.
Mes lèvres sont scellées par l’horreur et je ne puis que décrire sous forme de fictions et de jeux ce que ma bouche n’ose prononcer.

Parallèlement à mes recherches sur la technique, j’entreprenais une étude très sérieuse de la philosophie politique. Ce travail devait m’occuper de nombreuses années et je n’ai fait qu’ébaucher le chemin.
Récemment, j’étais désireux d’établir une dialectique entre mes recherches sur la technique et celles sur la politique.
Je travaillais sur la possibilité d’une réflexion sur la technocratie (étymologiquement le gouvernement des techniciens) qui permettrait d’articuler politique et technique.

L’anarchie permettait de lier la critique du pouvoir et la critique de la technique.

Comme j’avançais sur cette réflexion, je découvrais un concept architechtonique, tellement radical qu’il me semblait à la racine tant de la technique que de la politique : le pouvoir
Si on conçoit la politique (j’emprunte ici à Aristote) comme la distribution du pouvoir dans une collectivité, il semblera évident que l’essence de la politique est en lien avec le pouvoir.
Si on conçoit la technique, non comme l’invention ou l’utilisation d’artefact, mais bien comme un moyen au service de l’efficacité (qui peut passer par un outil matériel ou un outil immatériel comme une organisation ou un savoir faire), si donc on suit scrupuleusement Jacques Ellul la ou il veut nous mener, on concevra qu’à travers l’augmentation de l’efficacité, c’est bien le pouvoir qui est augmenté via la technique.
Je laisse ici de côté ce que j’appelle techniques spirituelles, qui ne sont pas des techniques de violence mais des techniques de force qui tendent à intensifier notre présence au monde, aux autres et à nous-mêmes.
La racine secrète commune à la technique et à la politique est donc le pouvoir qui peut s’exprimer par la violence ou par la force.
Lorsque les individus ou les groupes, porteurs de techniques diverses sont opposés, ce sont les techniques les plus efficaces donc les plus violentes qui l’emportent toujours.
Toute l’histoire humaine peut être écrite comme une histoire contradictoire des techniques. Les techniques les plus efficaces et les plus violente s’imposent.
Je pense que c’est facilement démontrable : triomphe des macédoniens sur les perses, des romains sur les celtes, des conquistadors sur les aztèques ou les inca, des bourgeois révolutionnaires sur l’ancien ordre féodal.
Cette victoire n’est pas celle du bien sur le mal, mais celle d’un groupe mieux armé et/ou plus nombreux sur un autre groupe moins violent techniquement.
L’histoire est donc celle de la technique, de sa découverte (dévoiement de techniques spirituelles en techniques de violence), de son empilement (sur des supports exo somatiques comme les livres, l’imprimerie, internet), de son utilisation par les dominants qui sont aussi les dépositaires de la technique violente (et doivent confisquer l’usage de techniques violentes efficaces aux groupes qu’ils oppriment).
La technique est donc ce qui permet d’éclairer l’histoire politique. Le général De Gaulle lors de son appel du 18 juin expliquait lucidement et explicitement que le triomphe des nazis n’était dû qu’ à leur supériorité technique, ce qui n’avait rien d’inéluctable et de définitif.
En retour, je pense que l’essence de la politique permet d’éclairer la technique.
Quelle est l’essence du pouvoir politique, entendu comme étant le pouvoir politique violent ?
Comment direz-vous de la perspective des dominants que vous avez un pouvoir absolu sur des dominés ?
Et bien, il me semble que le droit romain répond parfaitement à cette interrogation.
Tous les empires sont conduits à revire les gloires et les malheurs de l’antique Rome.
Le pouvoir ultime, c’est le pouvoir de détruire. Le pater familias romain parce qu’il avait pouvoir sur sa famille avait droit de vie et de mort sur les siens. Tout comme le centurion romain avait droit de vie et de mort sur le légionnaire.
C’est important. Parce que sa saga est une magnifique fresque politique et technique, Frank Herbert nous révèle dans Dune pourquoi Paul Atreide est le maître de l’épice : il a la capacité de le détruire.
Depuis Hiroshima et Nagasaki, l’humanité a la capacité de détruire toute vie sur Terre via la technique (la bombe atomique bien sur, mais aussi plus subtilement toutes les menaces existentielles : bactériologiques, chimiques ou biologiques).
C’est là où on m’oppose une objection : à quoi sert de régner si c’est pour régner sur un champ de ruines ?
Quelle serait l’intérêt du dictateur ultime, celui qui peut anéantir toute vie, donc ceux sur qu’il domine de son écrasant pouvoir, donc la possibilité même d’exercer son pouvoir ?
C’est le grand paradoxe du tyran métaphysique : s’il tue tous ses sujets, il perd la possibilité même de les dominer.
Lorsqu’il est utilisé, le pouvoir ultime détruit le pouvoir lui-même.
L’essence du pouvoir violent est le néant.
Le pouvoir spirituel est lui-même la négation du pouvoir violent : il tient comme le dit Levinas dans cette seule maxime : « tu ne tueras point ».
Mais parce qu’il n’intègre pas la notion de limites, le pouvoir ultime détruit tout y compris lui-même.
L’essence du pouvoir ultime réside dans ce que Nietzsche appelle le néant, celui qui détruit les valeurs.
Le pouvoir ultime, c’est le néant.
Mais le pouvoir ultime, c’est aussi la technique ultime.
En effet, pour imposer son pouvoir au reste de l’univers, le tyran ultime a besoin de l’arme ultime qui est la technique ultime.
Il n’y a plus de lucidité dans le tyran à ce moment la : il n’est pas celui qui utilise l’arme ultime ; il est celui qui est manié par l’essence de la technique : cette essence est le néant.
Voila, j’arrive à mon point : l’essence de la technique est le néant.
Parce qu’il est un être technique, l’humain est un être destructeur et autodestructeur, ce qui est le même.
Nous sommes via le progrès technique, le néant en marche et nous pouvons dire comme Oppenheimer citant la Bagavad Gita : « je suis le destructeur des mondes ».
Nous illuminons le cosmos de nos merveilles et horreurs. Mais cette illumination fugace au regard de la vie et du cosmos n’est pas un flamboiement : c’est une gigantesque explosion métaphysique, une bombe à réalité.
Le paradoxe de Fermi nous enseigne ceci : ce qui se joue sur Terre actuellement s’est joué, se joue et se jouera sur des myriades de mondes habités de peuples sentients.
La technique est une porte entrouverte sur le grand abîme d’où les forces insondables du néant se déversent.
L’essence de la vie sentiente est de s’effondrer sous l’impulsion de la Grande Machine.
Nous sommes comme les bisons fous qui se jettent de la falaise ;
Nous aimons tellement nos techniques (nous ne pouvons « décrocher » qu’au prix d’un immense effort), nous sommes tellement aveuglés à l’essence de la technique (qui est de tout détruire), nous nous sommes tellement leurrés dans la religion de la Machine qui est la religion du Néant, que notre destruction est à présent certaine, inéluctable.

Que faire ?
Le néant est à présent programmé. Le silence qui est la matrice de tout va recouvrir le cosmos.
Nous ne serons pas des dieux. Tout juste des fous, des nains, des avortons qui se prennent pour des dieux et qui ne peuvent comme Héphaïstos se mouvoir sans des béquilles d’or.
Puisque le temps nous est compté, devons-nous nous abandonner comme les foules à l’ivresse du nihilisme qui est la vénération du néant ?
Au crépuscule de sa vie, Heidegger affirmait : « seul un dieu peut encore nous sauver ».
C’était – en tant qu’anarchiste chrétien – aussi l’hypothèse de Jacques Ellul.
J’ai parlé de renversement de l’histoire ou la technique n’était plus l’émanation de la lumière du logos mais des ténèbres d’une nouvelle foi techno fétichiste.
Et si la spiritualité (que je ne confonds pas avec la religion, on peut être spirituel et athée) que je définis comme l’autonomie soit comme l’auto imposition de règles était seule capable de mettre un frein à notre hubrys luciférien et destructeur ?
Et s’il s’agissait envers et contre tout seulement d’aimer ?
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