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 Pharmakon ou du bon usage des choses

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MessageSujet: Pharmakon ou du bon usage des choses   Pharmakon ou du bon usage des choses Icon_minitimeSam 9 Avr - 17:39

Pharmakon ou du bon usage des choses

On doit au défunt philosophe Bernard Stiegler d’avoir attribué la notion antique de pharmakon à la technique.
Qu’est – ce qu’un pharmakon pour les antiques grecs ?
C’est une pharmacopée qui peut tuer ou guérir selon la mesure utilisée.
Une plante médicinale, à doses infimes n’aura aucun effet sur le malade.
A trop fort dosage, la médecine devient toxique, voire peut tuer.
Il est important de respecter la posologie du remède.
Stiegler applique cette notion à la technique : il y aurait un usage vertueux de celle-ci comme un usage nocif.
Mais, on le voit aisément pour la technique, l’usage de celle-ci comme d’un pharmakon est bien plus qu’une question de mesures, de doses, de quantité.
Il faut modifier qualitativement l’usage de la technique. Je renvoie à l’œuvre entière de Stiegler, à la notion de négentropie et d’entropie, sans doute empruntée à Norbert Wiener le fondateur de la cybernétique. De façon sans doute plus lumineuse, Ivan Illitch a opposé les outils conviviaux aux outils toxiques.
Cette notion est finalement très simple et peut être appréhendée par la neutralité axiologique de nos outils.
Un couteau peut servir à tuer ou à couper un abcès. La technique serait un moyen et c’est l’Homme qui donne la finalité de nos outils.
Cette notion de neutralité intrinsèque de nos outils est me semble-t-il pulvérisée par Jacques Ellul.
La technique n’est pas intrinsèquement dangereuse, mais son auto déploiement, la transformation de la société en une techno structure sont délétères et font peser sur l’Homme un danger existentiel.
Car la technique charrie sa propre morale, c’est-à-dire celle de l’efficacité et donc de la puissance.
Voila pourquoi toute réflexion conséquente sur la technique ne peut qu’aboutir à une pensée politique.
La réflexion géniale de Stiegler peut être étendue à tous les domaines d’activité humaine.
Il y aurait donc un bon usage de la religion, de la politique, de la sexualité, etc.
C’est une réflexion importante pour un anarchisme conséquent.
Il y a milles chapelles anarchistes qui n’ont pratiquement rien en commun à part ce qu’elles sauvent du bucher.
Par exemple un anarchiste chrétien (comme Ellul l’était lui-même) considérera qu’il y a un bon usage de la religion chrétienne.
Ellul était très dur envers l’institution catholique, mais il concevait dans l’acte d’un Dieu aimant renonçant à la puissance par amour, une formidable allégorie de l’anarchie (refus ontologique du pouvoir)
Les déconstructeurs sont moins inspirés par l’anarchie que par le nihilisme.
Mais l’anarchie authentique n’est pas une destruction, mais une subversion, une émancipation, une transvaluation des valeurs.
Si comme le propose Ellul, un usage positif de la religion chrétienne reste possible, c’est qu’il est possible d’être authentiquement anarchiste et chrétien.
Voilà pourquoi la maxime « ni Dieu ni Maître » est sans doute un peu caricaturale si l’on peut aimer un Dieu qui ne soit pas un Dieu de puissance et de coercition mais de liberté et d’émancipation.
Reste à savoir si un chrétien anarchiste peut trouver sa place dans l’institution catholique qui est tellement verticale et attachée à l’infaillibilité du clergé.
Faut-il réformer l’institution, le Vatican ou peut-on vivre de façon archipélagique et insulaire une vie anarchiste discrète en se revendiquant catholique ?
D’autres dialectiques tissent de terribles lignes de force au sein de l’anarchisme.
Par exemple, les anarco capitalistes que l’on nomme encore libertariens contre l’anarchisme social
L’anarchisme progressif contre l’anarchisme conservateur
Ou encore sur la question de l’organisation, un anarchiste anti étatique contre un autre réconcilié avec le communisme.
Ou encore les techno sceptiques contre les anarchistes transhumanistes.
Car les anarchistes devraient se construire leur propre représentation du monde, un paradigme singulier d’où la diversité et parfois l’antagonisme des courants au sein de l’anarchisme.
On essaiera en vain de les réconcilier en insistant sur le bon usage du capitalisme ou de la révolution, de la tradition et du progrès, de l’individu et de la collectivité. Ces termes semblent tellement antagonistes, voire antinomiques
Pourtant, je pense qu’à un certain point, un dépassement Hégélien de la dialectique, une synthèse reste possible si on n’interroge pas les termes en les opposant mais en envisageant un usage émancipateur de ce que nous faisons.

Je vrais prendre un exemple.
On oppose souvent l’individu et la collectivité.
Les individualistes, en citant souvent Stirner pensent que le collectif est forcément oppressant.
Les collectivistes au contraire pensent qu’une société atomisée, comme une société néo libérale et invivable et insoutenable.
Qui a raison ?
Une synthèse est-elle possible ?
J’observe que les personnes qui ont un bon contact à eux-même, à leur propre individualité et singularité ont également un bon rapport au groupe et à la collectivité.
Ainsi donc le bon rapport à soi-même entraine un bon rapport au monde et aux autres.
Au contraire, un individu égoïste plongera souvent dans une socialité déficiente par exemple mondaine et individualiste.
Le problème n’est donc pas que notre société néo libérale soit trop individualiste ou au contraire qu’elle soit trop collectiviste.
Elle est une masse d’individus égoïstes.
Placés en situation permanente de conformisme et d’obéissance / commandement, la voie qui mène à l’intériorité est fermée. Incapable de sur-moi et de discours critique, l’individu néo libéral est pris en permanence dans un monstrueux collectif, un agrégat, une intrication de pouvoirs sado masochistes dont il ne peut plus échapper.
Loin de la lutte des classes de Marx, c’est au bio pouvoir de Foucault qu’il faut faire appel. Chacun est à la fois le bourreau et la victime de son prochain. Il n’y a plus que de l’asymétrie dans tous les rapports sociaux et la porte de l’âme est fermée.
Contre ce nid de frelons, cet essaim d’égoïsmes, le souci de soi devient bien vite un souci des autres.
La capacité d’élever la conscience à soi-même et aux autres permet de s’affranchir, de s’émanciper et de se libérer de cette terrible pelote de laine emmêlée, ce nœud gordien de ressentiment et de désirs façonnés à notre insu qui définissent la société post moderne.
On a donc remplacé l’opposition entre individu et groupe, par celle d’un bon ou d’un mauvais usage de soi et des autres.
Comment parvenir à ce bon rapport à soi et aux autres ?
Il me semble qu’il doit y avoir une bonne éducation à la perfectibilité de l’être, ce que les grecs nommaient schole et les latins otium.
C’est parce que les individus ne consacrent plus l’essentiel de leur vie à perfectionner leur corps, leur esprit et leur âme que nous sommes dans la servitude perpétuelle.
La formation d’un citoyen athénien était couteuse. Il fallait des esclaves en grand nombre pour que le futur citoyen n’ait pas à consacrer sa vie à sa subsistance et au labeur.
Le commerce était pour les anciens une servitude, un négoce, soit étymologiquement un neg otium, une absence de temps consacré au souci de soi.
Car seul l’esclave travaillait. Le citoyen se consacrait à devenir une élite démocratique ; ce fut le siècle de Platon, de Praxitèle, de Périclès et de tant d’autres.
Quand on ouvre la boite de Pandore du perfectionnement, des individualités merveilleuses et des changements sociaux fabuleux peuvent survenir. Naissance de l’imaginaire social de Castoriadis.
Que voit-on maintenant ?
L’élite la plus bête de toute l’histoire de l’humanité, celle qui se vante de consacrer jusqu’ à 100 heures par semaine à des taches serviles plutôt qu’au perfectionnement perpétuel du corps et de l’esprit.

J’ai montré avec l’opposition entre l’individu et le groupe qu’il était possible de sortir d’oppositions non structurantes qui ont été déposées devant nos yeux pour nous empêcher de penser.

Une réflexion comparable pourrait être entreprise concernant l’opposition entre la tradition et le progrès.
Ces deux groupes, les progressistes et les traditionnalistes sont dans une détestation réciproque inouïe.
Là encore, la querelle entre les anciens et les modernes peut être déconstruite.
On verrait alors qu’il y a un bon usage de la conservation ou de la réaction (en matière d’environnement, l’attitude de sauvegarde de la planète est étymologiquement conservatrice)
On verrait aussi qu’il y a un bon usage du progrès lorsque celui-ci n’est pas l’alibi d’une régression dissimulée (comme le progrès sociétal, paravent de la régression sociale)
Il faudrait s’interroger sur la notion de changement et concevoir que certains changements sont bons et donc doivent être encouragés, que d’autres changements sont catastrophiques pour ceux qui les vivent et doivent être freinés.
Cela conduirait à sortir du dogmatisme et à évaluer dans chaque cas si c’est le changement et le progrès qui doivent être encouragés, ou si au contraire la restauration d’une configuration précédente semble préférable.
On verrait qu’un bon usage du progrès entraine un bon usage de la réaction et de la conservation et qu’un peuple éduqué au principe de précaution est un peuple sage et avisé.

Il y aura donc un bon usage des choses et nous pourrons échapper aux oppositions factices placées devant nos yeux pour nous empêcher de penser.


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