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 Petit guide de survie en propagande

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MessageSujet: Petit guide de survie en propagande   Petit guide de survie en propagande Icon_minitimeSam 12 Aoû - 18:04

Petit guide de survie en propagande :

Introduction (première partie) :
La propagande c’est toujours les autres. Il est rare que l’on se considère soi-même comme la victime de la propagande.
Par exemple, en période de guerre, on considère toujours que l’adversaire use systématiquement de propagande, mais celle-ci ne nous concerne pas.
Comme le disait Pierre Desproges : « l’ennemi est con : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui »
Les travaux d’Anne Morelli montrent pourtant qu’en période contemporaine, tous les belligérants usent de propagande de guerre et de guerre de l’information.
La détecter chez l’adversaire est alors moralement aisé. La repérer à l’œuvre dans son propre camp semble presque impossible. Ne sommes-nous pas le Bien, le Beau, le Vrai ? L’ennemi n’est-il pas le Mal à l’état pur ?
Toute tentative de sens critique et de pondération peut alors être perçue comme une conspiration avec l’ennemi.
Depuis longtemps, je dévore des ouvrages sur la propagande en démocratie. Tout de suite, le terme choque : la propagande n’est-elle pas l’apanage des dictatures et des totalitarismes ?
C’est oublier bien vite que Goebbels était passionné par les œuvres de Bernays le célèbre « conseiller en relations publiques » américain.
Dans son ouvrage le plus célèbre « Propaganda », Bernays affirme qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, il sera nécessaire en démocratie de « fabriquer le consentement », les décisions étant officieusement prises par un « comité invisible », un cénacle d’expert qui décide secrètement et qui – via les medias – fabrique le vote et le consentement populaire.
Déjà, en son temps, « Foutriquet » Adolphe Thiers le fossoyeur de la commune de 1870 avait annoncé aux députés Versaillais qu’il ne craignait pas le suffrage universel : le peuple votera comme on lui dira. Il était déjà perçu que le suffrage censitaire n’était plus nécessaire à un ordre bourgeois. Il suffisait dès lors de faire voter les électeurs contre leur intérêt. En 2022, cette réalité est devenue une évidence : l’exposition médiatique crée un vote : il est si facile de rendre désirable ou odieux en quelques semaines de matraquage médiatique.
L’expression « fabrication du consentement » n’avait pas été créée par Bernays mais par l’économiste et philosophe Lippmann, pendant sa célèbre controverse avec le philosophe pragmatique Dewey (les enjeux de cette « disputatio » ont été décrits avec brio par Barbara Stiegler).
Lippmann ne croyait pas à la capacité des populations démocratiques de prendre des bonnes décisions. Les classes populaires sont incapables de saisir les impératifs d’adaptation permanente qu’exige l’économie libérale, car leur esprit est englué dans des stéréotypes qui leur empêchent de saisir le flux Bergsonien changeant de la réalité. Là encore, le règne des experts, sur le modèle de la république de Platon était rendu nécessaire.
Mais ces experts doivent demeurer cacher et ne pas se dévoiler. Il faut donner l’illusion de la décision aux citoyens démocratiques en leur fournissant des informations choisies et orientées qui vont à leur insu décider leur vote.
Ainsi manipulés, pilotés subtilement et de façon discrète, la population s’estime décisionnaire quand on lui souffle, on lui suggère le vote, on maintient la popularité d’un président ou d’un gouvernement.
A ce stade de nos réflexions, la réaction pavlovienne qui est attendue est l’insulte de complotisme.
L’histoire du mot complotisme montre son apparition lorsque la commission Warren rendit ses conclusions sur l’assassinat de JFK en 1964. Beaucoup de citoyens américains doutaient des conclusions de la commission Warren et il était nécessaire de diaboliser toute critique, aussi toute interrogation citoyenne critique envers le pouvoir fut taxée de conspirationniste.
Ce qui est intéressant de retenir c’est que lorsqu’un pouvoir sent que sa propagande devient trop ostentatoire et perceptible, l’accusation de complotisme visera justement à discréditer les voix dissidentes
Le philosophe Leo Strauss qui était un néo conservateur persuadé de la morale universelle et de la vocation des USA de civiliser le monde a beaucoup écrit sur le complotisme. Pour Leo Strauss, l’histoire de l’humanité est l’objet d’un conflit terrible entre deux tendances humaines fondamentales : la philosophie et la croyance. Strauss était un platonicien : il croyait en la nécessité des experts, des services de renseignements, connectés au « monde des idées ». On retrouve bien sur l’existence du comité invisible. Mais les réflexions de Strauss vont beaucoup plus loin : non seulement les experts ont le monopole de la vérité, mais il ne faut surtout pas que la population ait accès à la vérité. Celle-ci doit être entretenue dans des mythes salutaires, des mensonges pieux, la propagande. Pour Strauss, en bon Platonicien, le peuple est inapte à prendre les bonnes décisions : il doit être mené par les mythes, le mensonge et la superstition. Dès lors le complotisme est dangereux, non pas parce qu’il divulgue un mensonge mais parce qu’il révèle la vérité. J’insiste sur ce point, le complotisme doit absolument être empêché parce qu’il révèlerait des vérités aux populations que celles-ci ne doivent surtout pas entendre.
Mon lecteur peut supposer que les délires de Bernays, Lippmann et Strauss n’engagent qu’eux. Je voudrais insister sur le fait que ces 3 auteurs étaient non pas des adversaires du pouvoir mais des piliers très puissants et influents du libéralisme. La fabrication du consentement y est décrite de l’intérieur par des « insiders » et non par de dangereux platistes ou des sectateurs d’un ancien ordre totalitaire : donc les 3 penseurs n’étaient ni des illuminés ou peu dingues ni des extrémistes politique mais des défenseurs éminents de la démocratie représentative libérale.
Mes premiers contacts avec la théorie sur la propagande ont été Jacques Ellul et Noam Chomsky. Politiquement, ces 2 penseurs sont anarchistes et je suppose que cette simple affiliation suffit à les discréditer. Je suggère pourtant d’éviter cette « condamnation de principe » pour examiner leur pensée.
Ellul et Chomsky sont d’accord pour dire que l’usage de la propagande est massif en démocratie. Sans doute bien plus qu’en dictature.
Pourquoi ?
En dictature on fusille, torture et enferme un dissident.
En démocratie, on évite ces extrémités ; il devient donc nécessaire de convaincre plus que de terroriser. C’est justement quand la propagande s’effondre en démocratie que le consentement s’effrite et la population ivre de rage déferle dans les rues.
La propagande est donc un impératif démocratique vital car lorsque la violence symbolique s’effrite, il ne reste plus que la violence physique, la répression. Le régime y est alors logiquement perçu comme autoritaire puisque le pouvoir qui ne bénéficie plus du consentement se maintient par la violence.
Il y a une différence majeure entre Ellul et Chomsky.
Ellul pense que les « propagandistes sont propagandés ». Ils finissent par croire dans les fabulations qu’ils servent aux populations. On a toujours les opinions politiques de son intérêt de classe.
Chomsky pense que les élites sont plus cyniques, ce qui le rapproche de Leo Strauss (mais en le dénonçant la ou Strauss s’en félicite). Pour Chomsky, les élites du comité invisible ne croient pas aux billevesées qu’ils servent aux populations. Ces mensonges leurs sont simplement utiles pour maintenir asservie une population, un peu comme Voltaire souhaitait que sa bonne fut bigote pour continuer à le servir avec empressement.
Quel est mon avis à ce sujet ?
J’ai eu de très nombreuses conversations avec des néo libéraux. Dans un premier temps, ils m’affirmaient « croire sincèrement » à la Main Invisible et à la Richesse des Nations (Adam Smith). Mais chaque fois que je parvenais à déconstruire sans appel la Religion du Marché, j’assistais à une virevolte absolument incroyable. Un peu dépités que j’ai révélé les apories de leur raisonnement, ils finissaient tous par me dire que cette croyance même fausse était à leur avantage et que c’était le vrai motif de leur conviction. Autrement dit, ils sont passés du statut de propagandés à celui de cyniques soit de Jacques Ellul à Noam Chomsky.

Cette petite introduction est purement descriptive. Elle replace la question de la propagande moderne et démocratique dans les enjeux intellectuels qui lui ont donné naissance. Les motivations des acteurs même de la propagande étant souvent ignorés ou occultés par le public. Il faut se plonger souvent dans des ouvrages complexes et obscurs qui ne sont pas destinés aux victimes de la propagande. Leo Strauss par exemple était volontairement d’une difficulté et d’une abstraction phénoménale s’inspirant de l’aridité de l’Ethique de Spinoza (dont la devise était « cautele », prudence) Leo Strauss destinait ses essais arides à des experts. Comme en science économique la complexité épistémologique était voulue, c’était un mur, une muraille gnostique destinée à en empêcher l’accès aux simples mortels et réserver les enseignements aux « initiés ».
Ma deuxième partie sera prescriptive : j’y exposerai une véritable méthodologie empirique que j’ai créée afin de discerner la propagande lorsqu’elle est à l’œuvre. Un petit mode d’emploi simple et concret pour affuter sa vigilance et son sens critique donc.
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