Aujourd’hui, je suis sorti de l’alliance.
J’ai descendu le piton rocheux et traversé le bosquet.
J’ai entendu des cris, des rires.
Je me suis approché, j’ai vu de jeunes gents qui jouaient simplement.
Leurs vêtements en haillons, la crasse qui recouvrait leur corps, la maigreur, la difformité qui les affublait me semblaient étranges, saugrenues.
Ces gueux étaient sous l’autorité du Seigneur.
Pendant un long moment, je pris plaisir à les voir s’amuser, dans un joie innocente et naturelle.
J’éprouvais même l’envie d’être comme eux, de n’être qu’un membre de leur communauté simple et bucolique.
La balle tomba à mes pieds. Je sortis de ma cachette et la ramassais.
Les serfs s’étaient arrêtés. Dans ma robe chromatique de mage, ayant haute allure et fière prestance, mes longs cheveux blonds s’écoulaient comme une cascade dorée dans ma nuque. Ma peau marmoréenne, presque translucide, épargnée par les maladies et la famine contrastait avec leur épiderme dru.
Je tendis la balle à une jeune fille, presque nubile, dans la stupéfaction générale.
En tremblant, sa main effleura la mienne ; la balle glissa ; je ressentis comme un émois.
Cet instant de grâce fut brutalement interrompu comme le sang giclait sur mon manteau blanc à frange argentée.
Un rustre, de son bâton avait frappé au visage le jeunette, dont la lèvre à présent fendue était maculée de sang.
Je ressentis une immense peine. Celle-ci se mua en colère comme je murmurai « pourquoi ? »
Mais je connaissais déjà la réponse. Nos mondes ne devaient pas se frôler. J’étais un mage, un adepte du puissant ordre d’Hermes et nous vivions casi reclus dans l’alliance passant notre temps en expérimentations magiques et théories métaphysiques.
Mon poing se crispa ; il fut bien vite parcouru d’éclairs. J’invoquai la foudre et le ruffian tomba comme foudroyé à mes pieds.
Alors je tombai à mon tour à terre, comme hébété par ma propre fureur.
Les serfs déchainèrent leur colère. Un pluie de pierres, coupantes fut lancée dans ma direction.
Une de ses pierres, lancée par la jeune femme m’atteignit à la tempe. Ce fut moins la douleur physique que le trouble qui me fit déguerpir jusqu’ à l’alliance. Longtemps je méditais sur cette altercation. Comme les jours passaient, mes tords me semblèrent plus évidents.
J’avais tout, ils n’avaient rien. La peur et le ressentiment avaient présidé à notre rencontre. Je me promis de ne plus quitter la paix de l’alliance avant longtemps.